N'auriez-vous point remarque que le Prix Nobel de physique n‘a jamais ete attribue a une decouverte en meteorologie? Or il y a actuellement au moins un meteorologiste en activite ayant servi la cause scientifique avec une profondeur et une cons-tance telles que l‘on admet difficilement qu‘il n'ait pas ete choisi pour un Nobel; j‘ai nomme Edward Lorenz, le pere de la theorie du chaos.
Des siecles durant, certains scientifiques se sont mis des ceilleres, negligeant des phenomenes in-solites et imprevisibles, afin de degager un sens, aussi tenu soit-il, d'ordre dans la naturę. C'est la le triomphe de la science, qui nous a incite toute-fois a occulter l'existence en tous lieux du chaos. Ed Lorenz nous a non seulement ouvert les yeux a 1'omnipresence du chaos dans la naturę mais il en a aussi pose les principes directeurs. II a couronne la meteorologie du xx? siecle par une decouverte qui a change de facon irreversible notre vision du monde.
Cet extrait d'un article de M Stanley David Ged-zelman, intitule 'Chaos rules" (Le chaos regne), nous semble constituer un bon preambule a l'en-tretien que nous a accorde un homme dont la re-nommee, loin de se cantonner au seul domaine meteorologique, s'etend aux Sciences biologi-ques, a la physique, a /‘astronomie, a la chimie et a la geologie. De fait, Ed Lorenz a aide les scientifiques des domaines precites a compren-dre les comportements imprevisibles auxquels ils sont confrontes dans leurs travaux.
Edward N. Lorenz est ne a West Harftord, dans le Connecticut, le 23 mai 1911. Des sa ten-dre enfance, les nombres le fascinaient; avant meme d’avoir deux ans, il etait capable de lirę les numeros de toutes les maisons qu'il croisait en promenadę avec sa mere. Quelques annees plus tard, il pouvait reciter les carres parfaits de 1 a 1000 et passait beaucoup de temps a resoudre avec son pere des casse-tete mathematiques. A lagę de sept ans, il se prit de passion pour les cartes geographiques, notamment les agran-dissements de sections de cartes
C'est egalement vers cette epoque qu'il se mit a aimer /'astronomie, une inclination dont il ne s est jamais departi. II s etait egalement pris d'interet pour les jeux de cartes et les jeux de combinaison de toutes sortes. Sa mere lui apprit a jouer aux echecs et il devint par la suitę capi-
Edward N. Lorenz
Photo: Avec 1’oiinohle outorisation dc l’AMS
taine de l'equipe de son lycee. Ed etait de plus petite taille que la majorite des garcons de son age et d'un an le cadet de la plupart de ses ca-marades. C'est sans doute pour cela que jamais il n'excella dans les sports d'equipe. II aimalt toutefois les randonnees et, aujourd’hui, c'est a la montagne et a la musique qu'll consacre le plus clair de ses loisirs.
Lorsqu'il entra au Darmouth College, Ed avalt deja decide de se specialiser en mathema-tiques. A l'automne 1938, il entra a Harvard ou il poursuivit des etudes de second cyc/e sous la ferule de George Birkhoff, mathematicien ameri-cain eminent. Au moment de 1'entree des Etats-Unis d'Amerique dans la seconde guerre mon-diale, il s'inscrivit au cours superieur de meteorologie au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et se rendit rapidement compte que la ma-tiere qui, tout naturellement, allait de pair avec son bagage mathematique etait la meteorologie dynamique. II fut envoye en temps voulu sous les tropiques en tant que previsionniste.
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