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Problimes de Phistoriographie africaine
et philosophie de P « Hlstoire ginerale de l'Afrique »
La difficultó du mot « histoire » vient de ce qu’il peut etre utilisć dans trois sens diffćrents. II dćsigne parfois les evćnements du passć. Parfois, il renvoie aux sources susceptibles de nous renseigner sur ces ćvćnements. Ce deuxićme sens, qui repose sur la naturę des sources, est celui que nous utilisons habituellement lorsque nous distinguons histoire et prćhistoire. Dans un troisićme sens, le mot « histoire » dćsigne la relation scientifique des evćnements passćs par les historiens.
Lorsque Hegel et Trevor-Roper affirmaient que l’Afrique n’avait pas d’histoire, voulaient-ils dire par li que le continent africain ne possćdait pas d’ćvćnements passćs? De tels propos seraient a l’ćvidence absurdes. Toute socićtć, ou toute culture, possćde nćcessairement un passć historique si l’on entend par li des ćvćnements passćs qui ont abouti i la situation prćsente.
Hugh Trevor-Roper ne soutenait pas qu’aucun ćvćnement ne s’ćtait produit en Afrique avant rarrivće des Europeens, mais sans doute a-t-il voulu dire qu’aucun ćvenement digne de Fattention d’un historien ne s’ćtait produit. Selon lui, nous ne pouvons nous permettre de « perdre notre temps i ćtudier les gesticulations fatuites de tribus barbares vivant dans des contrees pitto-resques, mais sans importance, du globe ».
Hugh Trevor-Roper dćniait i l’Afrique une histoire en se rćfćrant i ce qui, selon lui, avait lieu en Afrique. II utilisait la matiire du passe africain comme critćre permettant de dćterminer si l’Afrique possćdait ou non une histoire. Ce type de dćmarche est par dćfinition subjectif ou ethnocentrique. Dans le cas de Hugh Trevor-Roper, il dćnote en outre une indiscutable arro-gance culturelle.
Le second sens du mot « histoire » mentionnć prćcćdemment a trait i la naturę des sources historiques disponibles sur le passć d’une socićtć. Ces sources sont-elles suffisamment complćtes, et vćrifiables, pour nous foumir une description historique d’ćvćnements passćs ? En vertu de cette dćfinition de l’histoire, la majorite des socićtćs africaines ćtaient considćrćes comme « non historiques » en partie parce qu’elles ignoraient rćcriture. Par sources histo-riques, on entendait documents, et le mot documents ćtait abusivement syno-nyme de temoignages ćcrits.
A cette conception de 1’histoire, l’Afrique peut faire trois ripostes. La premićre est d’accepter la primaute des documents ćcrits et de s’efforcer ensuite de demontrer qu’elle possćde des tćmoignages documentaires sur une grandę partie de son histoire prćcoloniale. La seconde consiste i ćtablir la validitć des sources orałeś pour la recherche historique. La troisićme est de s’efforcer de jeter le doute sur la validitć des sources ćcrites en demontrant que les pays disposant d’une documentation ćcrite trćs importante sur leur histoire ne possćdent pas plus de certitude sur leur passć que les nations dćpourvues de ces sources historiques.