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Problimes de 1'historlographie africaine
et philosophie de l' « Histoire ginerale de l'Afrique »
que les noms ćminents d’historiens de l’Afrique, originaires d’autres regions du monde, sont trćs apparents dans chacun des volumes.
Le dćbat sur la cc vision de 1’mtórieur » intćressait jadis 1’anthropologie seriale plus que 1’histoire, mais les postulats de l’anthropologie sociale ćtaient generalement inversćs. De nombreux aathropologues estimaient qu’analyser une socićtć de 1’interieur comportait des risques non seulement d’ethnocen-trisme excessif, mais ćgalement d’omissions. L’appartenance k une culture particuliere risque de fausser l’ćvaluation d’une coutume ou d’une institution particulićre, pour la simple raison que cette coutume ou cette institution est considerće comme aliant de soi.
Je me rappelle avoir ćvoquć ce problćme particulier au cours d’un entretien avec le regrettć professeur Max Gluckman, eminent anthropologue britannique de l’Universitć de Manchester, dćcede en Israel il y a quelques annees. Max Gluckman et moi assistions tous deux k une rćunion au Nigćria. De 1&, nous passames au point de savoir si l’etude des socićtćs africaines avait jusque-l& ćtć, dans une trop large mesure, le fait de chercheurs ćtrangers. Gluckman me declara qu’un choc culturel ćtait indispensable pour faire un vćritable anthropologue. Le contact avec un modę de vie etranger — et la nćces-sitó de le comprendre et d’en saisir les rćgles et les motivations — est un aspect essentiel de la vision anthropologique. Gluckman semblait en conclure que c’ćtait une chance pour l’Afrique que les socićtćs africaines aient ćtć ćtudićes par de nombreux chercheurs ćtrangers, car ces derniers avaient subi le choc culturel indispensable k une comprćhension scientifique authentique, mais en meme temps compatible avec 1’empathie. Un Ibo etudiant la socićtć ibo aurait de grandes chances de nćgliger ou de sous-estimer 1’importance de certains faits concernant sa propre socićtć.
Je repondis k Gluckman qu’un Ibo ayant fait ses ćtudes en Occident et retournant chez lui ćtudier sa propre socićtć avait dćji subi un choc culturel. L’initiation meme k la culture universitaire occidentale et la capacite de procćder a une observation comparative du fait de sa connaissance tant de 1’Occident que de sa propre culture le disposent k discerner les caractć-ristiques de la socićtć ibo et k en comprendre la signification.
Le problćme qui se pose maintenant est celui-ci : la meme chose est-elle utile pour 1’historien? L’historien a-t-il ćgalement besoin d’un choc culturel pour apprćcier la pertinence de certains aspects du passe? Ou bien le simple fait que 1’historien travaille sur une ćpoque autre que la sienne constitue-t-il un facteur suffisant de comparaison? Tandis que 1’anthropologue a sans doute besoin d’un certain recul social par rapport k la structure et il la culture qu’il ćtudie, 1’historien ne bćneficie-t-il pas dćjk du recul du temps par rapport k I’ćpoque qu’il analyse?
Enfin, le projet de 1’Unesco postule la nćcessitć d’une prćpondćrance des Africains etudiant l’Afrique, mais il semble ćgalement admettre la nćcessitć de