La subjectivitć et l'etude de l'histoire contemporaine : problimes politiąues, psychologiąues
et mithodologląues
k l’inverse, se comporta en nationaliste. Un historien travaillant, notamment, sur les ąuinze dernićres annees de l’ere coloniale ne peut manąuer d’aborder une matiere fort dćlicate sur le plan politiąue.
Autre source d’embarras : les ćpisodes politiąuement controverses, qui ont parfois enflamme les passions. Qui, par exemple, a tue Josiah Mwangi Kariuki au Kenya en 1975? Dans ąuelle mesure, egalement, le meurtre du ministre kćnyan Tom Mboya, en juillet 1969, fut-il tramę par de hautes person-nalitćs ? Un historien kćnyan qui se lancerait dans une enquete systematique et tant soit peu approfondie sur ces questions prendrait un risque politique majeur; peut-etre meme courrait-il un danger physique.
Ici se rejoignent deux dilemmes connexes dans lesquels tout historien risque d’etre enferme. Le premier concerne la vulnćrabilitć personnelle de 1’historien lorsqu’il aborde certains problemes : ses recherches sur tel ou tel sujet ne risquent-elles pas de l’exposer aux tracasseries, k la detention, voire a 1’elimination, pour des raisons politiques ?
II peut y avoir des circonstances ou un historien qui transcende sa propre subjectivite collective risque, pour cette raison meme, d’etre considere comme traitre a son groupe. Un historien ćthiopien presentant sous un jour favorable les revendications somalies sur 1’Ogaden peut craindre de se voir accuser de trahison dans sa propre societć. Un Acholi qui ose relever des ćlćments positifs dans le rćgne d’Idi Amin Dada, et cela en depit du genocide commis par celui-ci contrę les Acholi, court le risque d’etre frappe d’ostracisme par son groupe d’origine.
Mais au probleme de la vulnerabilitć de 1’auteur ou du chercheur s’ajoute un autre dilemme, lie aux incidences defavorables que certains rćsultats de ses recherches pourraient avoir sur des tiers. Qui dćnonęait qui sous le regime d’Idi Amin Dada? Voila un sujet qui pourrait detruire bien des reputations, tant les faits sont encore proches. L’historien a le droit de penser que la verite doit etre devoilee independamment des consequences possibles, mais il doit au moins avoir conscience du fait que la revelation de cer-taines verites peut causer la perte d’autres personnes ou briser l’unite de leur familie. Les evenements sont si recents que nombre de ceux qui y ont pris part sont toujours vivants. Ecrire 1’histoire d’aujourd’hui, ce n’est pas seulement relater des evenements; cela peut etre aussi une faęon d’y participer. Et publier les rćsultats de ses recherches peut etre parfois une formę d’activitć politique.
Tels sont quelques-uns des aspects majeurs de la susceptibilite poIitique interne dont 1’historien doit tenir compte. L’ćventail, comme nous l’avons indique, est tres large. Certains des problćmes que nous avons examinćs et que rencontrent ceux qui ćcrivent sur 1’histoire actuelle de l’Afrique se poseraient aussi s’il s’agissait d’ćcrire 1’histoire presente de telle ou telle autre region du monde. Mais, comme l’Afrique traverse une periode politique particulićrement