La sub]ectivitś et l'itude de 1'histoire contemporaine : problimes poIitiques, psychologiąues
et mćthodologiąues
Waterloo a donnć lieu a des versions fort diverses de part et d’autre de la Manche.
En d’autres termes, la subjectivitć peut etre aussi bien individuelle que collective. Elle peut parfois etre prćsente sous ses deux formes chez le meme chercheur ou le meme observateur. La composante individuelle peut etre liće aux goftts, aux preferences inconscientes ou aux prćjugćs personnels de ce spćcialiste. En revanche, la subjectivitó collective provient chez lui de l’appar-tenance k une societe ou 4 un groupe culturel donnć. Un Somali qui a du mai a etre objectif k 1’egard de l’Ćthiopie montre qu’il souffre probablement d’une formę de subjectivitć collective. Mais un Somali qui eprouve des difficultes k parler objectivement de tout chef d’Ćtat militaire, que ce soit dans la Come de l’Afrique ou ailleurs, trahit, semble-t-il, im choix et une predilection de naturę subjective et personnelle, et une aversion intime i 1’encontre de tous les militaires au pouvoir.
Se pose alors tout le probleme de la contre-subjectmte. C’est l’equivalent de ce que Lćopold Sedar Senghor appelle le « racisme antiraciste » k propos de certaines situations ou la conscience noire est poussće a riposter au racisme des Blancs.
Dans le cas de la contre-subjectivitć, on voit l’un des camps recourir, sur le plan historique, a une ripostę subjective pour repondre a une denatu-ration des faits commise par une autre societe. C’est ainsi que la subjectivitć collective europćenne, posant en axibme que 1’histoire de l’Afrique n’a ćtć qu’une longue pćriode de sommeil collectif ou de barbarie ininterrompue, a parfois pu provoquer des rćactions de contre-subjectivitć chez les Africains, ceux-ci revendiquant les splendeurs du passe de l’Afrique en insistant sur les aspects positifs de son histoire et en sous-estimant, voire en passant sous silence, certaines impasses oh l’Afrique s’est parfois engagće.
Cette formę de contre-subjectivitć a ses avantages lorsqu’elle permet d’expIorer des secteurs de 1’histoire africaine auparavant trop nćgligćs, ou de retablir au bout du compte un certain ćquilibre dans 1’interprćtation des faits. Aprćs tout, la verite peut finalement sortir du dćbat judiciaire qui oppose deux adversaires devant un tribunal. De meme, un debat ou s’afifrontent deux positions extremes sur le passe de l’Afrique peut, a la longue, deboucher sur une authentique approximation de la vćritć historique.
Mais la contre-subjectivite n’est pas non plus sans danger. Dans une large mesure, 1’essentiel de la matićre de 1’Histoire generale de VAfrique de 1’Unesco, meme en ce qui concerne les volumes anterieurs, c’est encore de 1’histoire au present, en ce sens que de nombreux chapitres sont redigćs, presque pour la premićre fois, par des historiens africains. Auparavant, ce domaine ćtait presque entierement monopolise par des non-Africains. Les efforts de la nouvelle gćneration d’historiens africains, utilisant les instruments modernes de la recherche et les techniques scientifiques les plus rćcentes,