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films documentaires. Comme pour d’autres cineastes sur d’autres continents, tel Jean Rouch, qui filme le fleuve Niger en reinventant le langage cinćmatographiąue, en le faisant cinema-vćrite, alors qu’il s’inscrit lui-meme dans la realite qu’il decrit, les cineastes d’ici le vivront aussi, adoptant un langage cinematographique pres de la poesie litteraire, un langage qui fait appel a la musicalite de 1’ image, du montage et dont le contenu passe souvent par le sacrć.
Cet esprit, cette recherche d’une purete virginale se traduit par une exploration des rites, de ce qui tient du sacre dans les coutumes des premiers peuples. Abeles nous rappelle que «...les rites que decrivent les anthropologues, quand bien meme ils concement les aspects lai'ques de la vie sociale, mobilisent egalement le divin15 ». A ce moment, il convient d’observer la place et la naturę du rite et du cerćmonial. Selon Durkheim (1912) citć par Kertzer: « C’est a travers le rituel que les gens projettent rordre sociop* tique seculier sur un pan cosmologique et qu’ils symbolisent le systeme de relations socialement sanctionnees entre groupes et individus. II voyait dans le rituel un mecanisme qui, permettant de preserver le consensus, maintient Rordre social16 ».
Par exemple, le rapport de Perrault a ce qu’il filme est souvent d’ordre metaphysique. Dans chacun de ses films, ce rapport explique, conte, raconte, et exprime le sacrć, un certain echange avec un Dieu possible. Dans Attiuk(1958) ce moment se traduit par une « messe » paienne, ou le rapport au sacre est animiste et ou le cćlćbrant utilise le tambour comme outil d’intercession avec le divin, alors que dans Nanook of the north, s’il n’y a pas de symbolique divine explicite, c’est la chasse elle-meme et le partage de ses fruits qui devient eucharistie en soit. Je me servirai de ces deux films pour montrer le fonctionnement du paradigme du film ethnographique.
15 ABŚLĆS M, 2005, Anthropologie de l’Etat, Paris, Petite Bibliothćąue Payot. p. 165
16 KERTZER D.I, 1992, Rituel et symbolismepolitique des societes occidentales, Paris, Phomme 121.
p.80.