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usage de moyens plus surs, d’informations exactes, prises sur les lieux par des personnes instruites et souyent objectives.
INDICES CULTURELS DE LA TURCOCRATIE : LE LIVRE
Le contact avee 1’Europe du Sud-Est a du paraitre tout aussi dśeoncertant aux premiers orientalistes qu’il l’est pour le ehercheur d’au-jourd’hui. II s’agissait en effet d’un monde extremement varić dans ses manifestations culturelles, ou peuples, langues, formations intellectu-elles, aspirations, structures mentales, constituaient autant de probtómes qui demandaient, pour etre dśchiffrćs correctement, a la fois de l’expć-rience, de 1’śrudition et de la rśflexion.
Dans la distribution territoriale des cultures du temps, les points •de rep&re n’śtaient pas les frontifcres, mais les centres d’activitćetdera-yonnement. I/Europe du Sud-Est possćdait au XVII' siecle un certain nombre de centres pareils, & 1’intórieur ou en-dehors de son territoire : Constantinople, Candie, Ath&aes, Janina, F Athos, Agrapha, Chios, Corfou, Bucarest, Jassy, Baguse — mais aussi le Caire, Venise et Borne. Quoique situde au-dela des bornes de 1’Europe sud-orientale, l’Universitś de Pa-• doue, par exemple, jouait dans la formation des intellectuels de cette zonę un plus grand role que 1’Acadśmie Patriarcale de Phanar.
Ces centres avaient des fonctions multiples. Ainsi, Constantinople ćtait le stóge d’une vie intellectuelle turque, mais grecque aussi et, en •outre, un lieu de reneontre pour des intellectuels d’autres nationalitćs : Boumains, Armóniens, renćgats magyars ou vćnitiens, mais aussi pour des orientalistes d’Occident. Crete ou les ileś ioniennes śtaient des centres d’óducation pour les Grecs, mais aussi pour les Italiens; Baguse, pour les Italiens et les Slaves du Sud; Bucarest et Jassy, pour les Boumains et les Grecs. En dedans ou en dehors des frontieres de 1’Empire, ces centres favorisaient les contacts entre l’Orient et 1’Occident.
A Constantinople, il y avait un incessant contact entre des idćes et des hommes appartenant a deux mondes et a deux spiritualitśs di-yerses. Sur les rives du Bosphore, la nouvelle capitale coexistait ayec 1’ancienne citś de tradition byzantine. Dans la socićtś turque soumise au rituel islamique, d’un rigorisme caractśristique pour les structures rśfractaires aux changements, 1’intellectuel — prćtre, magistrat ou en-seignant — occupait nścessairement une position centrale, souvent une position privilśgiśe. Galland releve ayec justesse la place importante qu'occupe le livre dans la vie ottomane. Le Journal de ce eollectionneur passionnś de manuscrits orientaux abonde en notes concernant le com-merce des livres et ses propres acquisitions — qui śtaient fort importantes.