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turpitudes qu’il est devenu courant de stigmatiser chez les Phanariotes plus jeunes de deux sićcles 1U.
Dśnonciations, trahisons, calomnies, intrigues, achats de charges, collusions avec les «paiens » au detriment de leurs fróres chrótiens, rien ne manąue a l’arsenal de ces Europóens dścidśs a faire rapidement fortunę dans un monde dśsarmś devant le manąue de scrupules. L’histoire morale des Phanariotes a des antścśdents plus anciens dans la Turcocratie. Toujours au XVII* siecle, les maronites du Liban yendent aux encheres la fonction, hćróditaire jusqu’alors, de mukkadam (administrateur) et «on vit une troupe de compśtiteurs se disputant auprós des Tures les fonctions de cet emploi, attribuśes au plus offrant »112. On a souvent dścrit les mśthodes presąue incroyables auxquelles donnait lieu dans 1’Empire ottoman la nomination a toutes les catćgories de charges (grand vizir, dignitaires de la Porte, patriarchę, vo’ivodes des Principautćs danu-biennes), mśthodes ou, pour 1’emporter, tout, depuis le pot-de-vin jusqu’a 1’assassinat, ćtait permis.
Dans cette ambiance śthiąue, la duplicitś des intellectuels, dont les professions de foi śtaient souvent contredites par les actions, ne saurait surprendre. La Simonie se rópand dans le haut clergś, les dćnonciations sont monnaie courante entre dignitaires laics 113. Des tómoignages, contro-yersśs d’ailleurs, dśvoilent la frśąuence des assassinats dans desfamilles possćdant une solide instruction europśenne, tels les Brincoveanu ou les Cantacuzino.114
La flatterie en tant que mśthode pour gagner la faveur des grands ótait une pratiąue fort rśpandue en Europę et Leibniz lui-meme n’a pu óviter le surnom de «Flatteur des princes ». Les intellectuels du siacie excellent dans ce profitable exercice, rśvólant ainsi des traits de carac-t6re typiąue. Douó d’incontestables ąualitćs politiąues, le prince ^erban Cantacuzino n’en śtait pas moins connu par les chroniąueurs contem-porains pour un homme «perfide, mauvais, trompeur», son rćgne a ótó dópeint comme «un grand et sombre nuage, plein d’ćclairs et de foudre ». Les documents nous le dśpeignent comme un homme typiąue de son temps, dur a 1’śgard des boyards hostiles, avide d’argent au point de dćpossśder sa proche familie. Nśanmoins, pour S. Lihoudis, qui lui a dśdiś en 1683 un panćgyriąue intitulś ‘H xckvy] /apa
111 R. Clćment, Les Franęais d9Egypte aux XVIIe et XVIIIe sihcles. Le Caire, 1960. p. 5 ; pour les antćcćdents occidentaux, qui montrent que le Levant n’a pas le monopole de toutes les pratiques semblables du sifccle, voir 1’ćtude de R. Mousnier, La oinatiti des offices sous Henri IV et Louis XIII, Paris, 1945.
112 P. Dib, UEghse maronite, t. II, Beyrouth, 1962, p. 46.
113 George Wheler, A journey into Greece, Londres, 1682, p. 195.
114 V. C£ndea, Le stolnic Constantin Cantacuzine, loc. cit., p. 597; Radu Popescu, Istoriile domnilor Jdrti Romdneęti, dans Cronicari munteni, id. cit., vol. I, p. 446.