Actualitć dc 1’archćologie. 127
C’est donc une entreprise meritoire que celle de p. audin (1984), qui presente un premier recensement des ćglises construites sur ou a proximitć de sites gallo-romains : c’est la une contribution necessaire a la question du passage de 1’habitat antique a celui medićval, de la villa au village. Dans le domaine strictement rural, il serait peut-etre prudent toutefois d’ćcarter des cas du type de Barrou ou Yzeures (Indre-et-Loire), ou Ton ne sait si le site, qui a fourni les blocs monumentaux remployes dans les fondations de Teglise primitive du Haut Moyen-Age, est a proximite immediate ou non. De meme, restons prudent quant a s’appuyer, en matićre de pćrennite de site entre tempie et eglise, sur le tćmoignage des textes hagiographiques : la mention de la construction d’un lieu de culte chretien sur les ruines d’un tempie prćalablement detruit a avant tout une signification symbolique, plus gćnerale, du remplacement du paganisme par le christianisme.
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16 - FERMES INDIGENES. — II y a prćs de dix ans, R. agache(1976) attirait Tattention sur un type d’habitat a fosses, et constructions en materiaux legers, dont il avait repere une serie importante en Picardie, et notamment dans les vallees (voir aussi : agache 1981). II proposait de les denommer « fermes indigenes » et de les identifier aux aedificia citćs par Cćsar a cóte des oppida et vici. Alors, seuls quatre de ces sites avaient fait 1’objet de son-dages, trćs limitćs (ibid0, p. 5 du t.-a-p.). Depuis, de telles structures de fossćs ont etć reperees dans maintes regions, grace aux prospections aeriennes, et notamment dans nos secteurs, en Berry, Touraine, Beauce... ; l’un d’entre eux a en particulier fait 1’objet d’une fouille de quelque importance (adam 1979). On peut encore citer, pres de nous, les fouilles de Yaedificium du Mesnil-Aubry (Val d’Oise) (GUadagnin 1983) et celles, plus rćcemment publićes, de Beligneux, dans 1’Ain (vicherd 1984).
II s’agit d’habitats ruraux isoles, generalement sans construction en dur, dont les fonctions agricoles semblent notamment confortees par la presence de nombreux enclos emboites, qui ont pu servir a parquer le betail. Le terme, aujourd'hui couramment adopte, de « ferme indigene » (traduction de 1’anglais native farm) parait donc acceptable et općrationnel, a condition toutefois de ne faire supporter au qualificatif d’« indigene » aucune conno-tation chronologique (cf. dans le meme ordre dłidee celtic fields) : en effet, partout ou des contróles au sol ont pu etre rćalisćs, des fouilles ou au moins des sondages effectućs, il est plutót exceptionnel d’observer une phase nette d’occupation antćrieure a la conquete (Tene III), alors qu’au contraire les indices d’occupation de l’ćpoque gaiło* romaine s’etendent couramment jusqu’a la fin du Icr sićcle ap. J.-C., voire jusqu’au IIe siecle. II faut toutefois moduler cette observation chronologique, dans la mesure ou il s’agit, dans la plupart des cas, de sites non stratifies, dont on retrouve surtout les elements correspondant a la derniere phase d’occupation : comblement des fossćs notamment (et non creusement). Et certains de ces sites ont fourni des indices nets de l’epoque de 1’Independance : le Mesnil-Aubry (Val d’Oise), la « Theurace » a Levroux (Indre), Condć-Folie (Somme)... Plus contestable est Pappellation d'aedificium, qui voudrait plaquer un terme cesarien a une realite archeologique, dćmarche haute-ment perilleuse. Une telle identification ne peut rester que du domaine de 1’hypothćse, quand on observe par exemple les sens trćs divers que supporte ce terme dans la Guerre des Gaules : de simples baraquements provisoires (in B.G., VIII, 5), a une vćritable residence d’ćte, luxueuse (in B.G., VI, 30), en passant par des fermes ou simples granges (in B.G., VIII, 10).
Reste que les regions sont de plus en plus nombreuses ou Ton observe aujourd’hui, notamment grace aux recher-ches aćriennes, la coexistence, pendant une bonne partie du Haut-Empire, de deux types d’habitats ruraux : la « ferme indigćne » a cótć de la villa gallo-romaine en dur. II convient toutefois de ne pas opposer trop rigoureu-sement les deux systemes, en Tabsence de fouilles systematiques plus nombreuses notamment ; on a pu noter (aga-CHE) que ces fermes en materiaux legers, a systemes de fosses, se retrouvent plus volontiers dans les vallees, les terrains alluviaux, contrairement aux villae, implantćes prćfćrentiellement sur les rebords de plateaux ou les pla-teaux eux-memes : mais cette selection topographique ne pourrait etre le fait — au moins pour partie — que d’une plus grandę facilitć de perception visuelle (et photographique) des structures fossoyćes en milieu alluvial, et, & 1’oppose, des structures construites sur les sols de plateaux calcaires. De plus, on a pu dans certains cas observer Timplantation de batiments en dur dans des systemes fossoyes de type « ferme indigene », et, k l’inverse, les villae dont les fouilles ou les photographies aeriennes ont fourni des traces d’enclos de fosses ne sont pas rares...
Un scepticisme par trop systematique ne serait toutefois pas ici de misę : si Fon observe en effet que les exploi-tations de type villa en dur ne se gćneralisent qu’& partir du milieu du Ier siecle ap. J.C., les quelques fouilles ou sondages pratiqućs sur les « fermes indigenes » ont bien montre une occupation au moins prćcoce (fin du Icr sićcle av.-dćbut du I€r sićcle ap.), voire prć-romaine, ce qui n’est qułexceptionnellement le cas des fermes en dur recon-nues en si grand nombre dans nos campagnes. Si Ton peut donc voir en la « ferme indigene », dans une certaine mesure, le prototype gaulois, en matćriaux legers, de la ferme gallo-romaine en dur, il est indispensable d’intro-duire k cette vision une dimension en quelque sorte « dćmographique » : compte tenu de rextreme abondance des exploitations nouvelles qui s’installent sur le territoire gallo-romain vers le milieu du Ier siecle de notre ere, il est evident que seule une toute petite partie prćsente une continuite d’occupation sur un habitat anterieur, de type « ferme indigćne » ; 1'essentiel est de crćation nouvelle. Mais tout se passe bien comme si, au moins dans sa conception, sinon dans son abondance, la misę en place du modę d’exploitation romain, a 1’habitat disperse en mul-tiples unites de production, avait pu ici s’appuyer sur une mutation interne de la socićte gauloise rurale, qui voyait, avant meme la conquete, la misę en place progressive — sinon encore gćnerale — d’un habitat rural disperse des-tine a remplacer les traditionnelles agglomćrations rurales des epoques antćrieures de 1’Indćpendance.
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