Actualiić dc TArchćologie. 227
par Alain FERDI^RE1
104. La romanisation des campagnes. — Le mot de
“ romanisation ” est bien sur galvaudć, et l’on ne sait pas toujours ce que les auleurs qui Pemploient mettent derriere celui-ci.
Le 21 Colloque AGER d’Amiens n’avait que tres partiellement abordć cette question (bayard, COLLART 1996).
C’est celie-ci qu’abordent - pour le monde rural antique - deux importantes contributions d’un autre ouvrage rćcent traitant de la Gaule du Nord, Punę sur la Gaule Belgique et la region rhenane (ROYMANS 1996), 1’autre sur le sud de la Picardie (haselgrovh 1996), cette demiere reprise en grandę part dans la contribution du meme auteur au Colloque d’Amiens.
105. Du bon usage de la toponymie (cf. Chronique, 1,1984, notę 2). - Quand, il y a 20 ans (FERDlfcRE 1978: 207 są) ou encore 10 ans (FERDIERE 1988, 1: 23-28), je mettais en gardę contrę Putilisation sauvage - et parfois exclusive — de la toponymie en matiere d’his-toire de 1’occupation du sol, je ne pensais pas que la bete serait si resistante.
II s’agit bien sur, pour la periode concernee ici, des fameux toponymes en - acusł-iacus (ou par ex. -anum dans le Midi), qui correspondraient aux noms originels des domaines fonciers implantes dans toute la Gaule durant la periode romaine: le fondement des principes en a ete etabli il y a plus dłun siecle, sur des bases somme toute assez serieuses, par Fustel de Coulanges (1889) et d’Arbois de Jublainville (1890) (cf. aussi imbart 1900); cette theorie est la suivante: 1) la desinence - acus (transforme aujourd’hui, selon les regions, en -y, -ay, -6, -ac, etc.) signifie “ domaine de - 2) la premiere partie du nom de
lieu correspond au nom du (premier) proprietaire, a la periode gallo-romaine.
Ces idees ont eu, a partir de la fin du XIX1 siecle, un tel succós que Ton est rapidement venu a consi-derer que la recherche et la cartographie de ces toponymes sur le territoire metropolitain suffiraient a Petablissement de la carte de Poccupation du sol de la Gaule romaine - d’autant que Fon se trouvait alors dans une periode de forte recession en France des recherches archeologiques de terrain - : c’est ainsi que, durant des decennies, Pecole franęaise s’est largement contentee d’appliquer ces principes a la recherche des sites d’occupation rurale de la Gaule (JULLIAN 1907/26: 781-783; LONGNON 1920/29: 75-96; DAUZAT 1926; JULLIAN 1926; GRENIER 1934 :913-929), au point que ces idees ont abuse des esprits aussi ouverts que par exemple celui de Marc Bloch (1931) ou encore Roger Dion (1934).
Jusqu’a une datę tres recente, ce sont donc encore ces theories qui ont prevalu quant aux recherches sur Poccupation du sol de la Gaule romaine (roblin 1951; DUVAL 1971: 131-143 ; LE GLAY 1975...), et les etudes regionales fondees sur ces principes se sont
multipliees (par ex.: Lorraine: DAVILLE 1929; Beauce et Loirei: SOYER 1932/46; 1943 ; Auvergne: FOURN1ER 1959; Beaunois: THEVENOT 1971; Savoie: PR1EUR 1983; DUFOURNET 1978 ; Rouergue: ALBENQUE 1948; Chalon-nais: ARMAND-CALLIAT 1937; Bourgogne: CHAUME 1934 ; Maconnais: JEANTON 1927/31 ; Evrecin: MATHIERE 1925; Avallonnais: PARAT 1926; Biterrois: CLAVEL 1970; etc.).
Pourtant, et parfois tres tót, des critiques de fonds, severes, s’etaient faites jour sur cette theorie, misę en oeuvre de maniere souvent simpliste: ses failles avaient ete en efFet parfois peręues des Porigine (la listę des references bibliographiques seraient trop longue a fournir ici). Ces points de faiblesse sont en efFet importants - voire fondamentaux - et peuvent etre ainsi resumćs:
a) la desinence (sufFixe) en -acum, etc. semble souvent avoir une signification beaucoup plus neutre et generale que celle de domaine de - ”, “ proprete de - ” : sans doute plutót “ lieu de - ”, simple suffixe toponymique comme aujourd’hui la “peupleraie” est un lieu plante de peupliers;
b) la premiere partie du mot est loin d’etre toujours un anthroponyme : ainsi, “ Montigny ” pourrait etre le lieu ou existe un mont, et non le domaine de
Professeur cTHistoire Ancienne et Archeologie, Universite Franęois-Rabclais de Tours;
U.M.R. 6575 “Archeologie et Territoires", 3, place Anatole-France, 37000 TOURS.