Les mesures de sequestration appliquees aux Croisiers durent bientot etre connues par une espece de gens a 1’affut des profits faciles, car, le 10 mai (21 floreai), le Sous-Prieur Noivi'lle protesta aupres de FAdministration municipale contrę lc fait que « des malveillants s’emancipaient au point de faire paitre leurs chevaux dans une prairie situee aux Hauts-Chenes, appartenant au monas-tere par la location obtenue rćcemment de la Republique ». La commime fit droit a cette protestation en menaęant « d'etre con-sidere comme brigand et puni selon la loi, tout qui sera tronve avec des b$tes a la pature sur toute proprićte quelconque (1) ». Mais qu’etait ce Jeger trait de justice -a cóte de la regrettable decision du 4 mai, qui n’attenuait guere la saniction portće par 1’arrete du 10 avril ? Les Croisiers furent tres depitćs, d’autant plus qu’il s’averait une fois encore que les « absents» etaient cause de leur ćchec. Ce fut Toriginc de reproches, voire de leur desaffection a 1’egard du General. Un nouvel arr£te des Repre-sentants du peuple devait encore aggraver le malentendu. Le 25 mai 1795 (6 prairial an III), ces Agents decreterent que « si plus de 2 membres d’une Communaute etaient absents, la Republique tou-cherait leurs parts dans les revenus et que les differentes locations de leurs biens devraient se faire par-devant rAdministration crarrondissement respectif (2) ». L’esprit de ce uouvel arrete sem-blait donc cette fois limiter les mesures de seąuestre aux emigres seulement, Les Croisiers adresserent aussitbt une nouvel!e reąuete a 1’Administration Centrale en vue d’obtenir la remise en possession de leurs biens. Cette fois, leur dćmarche devait aboutir, car ils pouvaient faire valoir des « considerants » de poids. Quels etaient-ils ? Ren£ Dubois, ancien secretaire de Huy, semble pouvoir nous Fapprendre : « Les citoyens Lacroix et Tilman, dit-il, chan.oines reguliers de 1’Ordre de la Ste-Croix, produisirent une declaration signće par dix religieux de cet Ordre, dans laquelle ils dśnonęaient Jacąues Dubois, leur General, non seulement comme emigre, mais aussi comme voleur, ayan.t emporte tout ce que la maison possedait, de sorte qu’il ne leur restait plus rien pour vivre (3),» Rś$erve faite pour le style plein d’enflures propre aux avocats de r^lpoąue (4), il est clair qu'on n’aurait pu* trouver argument plus habile. Surtout qu’a cette epoąue, la delation etait devenue une
(1) Archives Ville de Huy, Reg. 402, p. 185.
(2) Archive$ de 1’Etat a Liege, lettre du 25 thermidor an Ul,
(3) R. DUBOIS, Huy sous la Rćpubtique et fEmpire, p. 46.
(4) Ce langage d^illeurs est non seulement digne de Devaux, qui bientot recoltera sa prime de grand żele, mais est du Donnay tout pur ; la suitę des faits montrera que ce meme avocat reprend la m£me accusation des douzaines de fois et en ne deviant meme pas de la stćrćotypie du mot a mot.
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