DOCTRINE 519
tique etait exposee a la nouvelle qualification et qu’il pourrait en aller even-tuellement de meme de la copie d’un logiciel (V. notre commentaire de la loi Godfrain, Rev. dr. informatiąue et tćlćcom. 1988, n°2, p. 19 et s.). Dans son commentaire de la loi (A.L.D. 1989. 51 et s.) M. Gassin a tranche le debat en relevant que 1’article 462-5 du codę penal employait les termes de « falsifica-tion de document informatise» et qu’en conseąuence seules les falsifications ex-post pouvaient tomber sous le coup de cet article, a l’exclusion des falsifications par creation d’un document faux. L’arret commente remet en cause cette analyse restrictive: les reproductions de documents informatises qui doivent, si Ton suit M. Gassin, echapper a 1’article 462-5 nouveau du codę penal, pourront tomber sous le coup de 1’article 379 si ces documents portent en eux une information susceptible de constituer un bien.
La revolution est ici tres profonde. L’arret Bourąuin fait «sauter» les res-trictions que l’on a voulu assigner aux incriminations du nouveau droit penal special informatique, mais on ne saurait trouver la un nouveau motif pour le condamner.
2. Appreciation
Ne meconnait-on pas le principe de la legalite en portant une infraction sur des terrains appartenant, en principe, a d’autres infractions, mais sur lesquelles celles-ci ne peuvent se developper? On peut le penser mais, en realite, il est permis de considerer qu’il n’est rien.
D’une part, on ne meconnait pas le texte d’une incrimination sur le terrain duquel on gagne, si cette incrimination ne permet pas d’apprehender l’agis-sement que Ton fait tomber sous le coup d’une autre incrimination. D’autre part, pour que Tincrimination etendue le soit en violation du principe de la legalite, il faut que 1’incrimination en cause interdise cette extension. Or, tel n’est pas le cas dans 1’hypothese envisagee. L’article 379 n’interdit pas de faire porter le vol sur une information seule constituant un bien et la faęon d’apprehender une chose variant avec sa naturę, la soustraction d’infor-mation peut, parvoie de consequence, resulter d’une reproduction.
Certes, la destabilisation a laquelle 1’arret Bourąuin soumet les grandes qualifications du droit penal special informatique (contrefaęon du logiciel — falsification de documents informatises) derange, mais elle n’est pas impu-table a cet arret. Elle est deja en germe dans ce nouveau droit penal special lui-meme.
Tout d’abord, si suivant M. Gassin (cf. supra) on exclut du faux informa-tique les faux par contrefaęon — c’est-a-dire par reproduction a l’identique de documents informatises existants — toutes les «entreprises » de fabrica-tion de fausses cartes de credit echappent a 1’article 462-5 nouveau du codę penal, alors que les termes « documents informatises ąuelle ąue soit leur formę» ont ete introduits, dans cet article, precisement pour lui permettre d’apprehender les auteurs de fausses cartes de credit.
Ensuite, si pour eviter cette deperdition d’utilite de 1’article 462-5, on ad-met que le faux informatique peut se commettre par reproduction de documents informatises, les restrictions que Ton a voulu apporter au delit de contrefaęon de logiciel en le soumettant a la condition d’originalite sont tou-chees et de regrettables concours de qualiflcations apparaissent.
Rew. sciencecrim. (3), juill.-sept. 1990