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donc moins risquć, plus confortable du point de vue de la securitć du colon, car Lavieux n'a pas d'illusions :
moi, entre autres; je suis une brute normale que sommes-nous, nous autres, colons et flis de colons. Des paysans ayant pousse au paroxysme leurs qualites et leurs defauts; si nous avons plus de biens et de bien-etre que nos freres de la metropole, nous n'avons la securitć de notre vie qu'autant que nous luttons contrę les hommes et la naturę hostiles. Nous sommes des laboureurs-soldats, des laboureurs-aventuriers; fatalement nous devenons des seigneurs de la terre. Notre feodalite doit s'unir a l'aristocratie terrienne indigene [...]: c'est ainsi seulement que nous eteindrons le pauperisme.327
Dans cet extrait une autre opposition est misę en evidence : celle entre le colon qui se sent defavorise et 1'habitant de la metropole; une nouvelle ligne de partage s'impose qui sera surtout soulignee par les ądeptes de 1'Algerianisme. «Les hommes comme le vieux Jos Lavieux sont les veri-tables piliers du monde colonial, ceux sur lesquels tout 1'edifice repose».328 Randau aime općrer par contraste pour mettre en ćvidence la situation com-pliquće dans la colonie algerienne, il n'est donc pas etonnant qu'il confronte
Jos Lavieux, son fils et Cassard, plus modere et large d'esprit qui se pique volontiers d'indigenophilie (en les confrontant, Randau resume toute l'hi-stoire de la colonie), Jos Lavieux est un ultracolonocentriste intransigeant et son fils, qui a pourtant frequente l'universite partage le meme ideał. [...] Robert Randau prćsente ses colons, pourtant corrompus d'affligeantes turpitudes, comme des hćros exemplaires. Cest qu'ils incament pour lui 1'energie coloniale brute. On sent qu'il affectionne ces personnalites, hautes en couleur certes, mais cupides et mesquines, pour une seule raison : ils sont le peuple neuf.329
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Isabelle Eberhardt, indigenophile achamće, offre au lecteur un panorama considerable des autochtones et particulierement des femmes indi-gćnes; elle essaie surtout de ne pas tomber dans le pićge de 1'imaginaire oriental dont les harems constituaient un ćlement obligatoire; d'ailleurs la plupart des ćcrivains qui se prenaient pour des auteurs coloniaux rom-paient avec cet ancien clichć datant du dćbut du XVIIIe siecle, plus prćci-sement de 1704, ćpoque ou fut publiće la traduction des Mille et Une Nuits par Galland. Yasmina, Embarka, Tessaadith, dont la chute morale
327 Ibid., p. 118.
32* A. Calmes, Le rorrtan colonial en Algerie avant 1914, op. cii., p. 154. n* Ibid., pp. 152-153.