point de destination. Comme le rappelle Thierry Ehrmann en prologue aux propheties: « Ne les craignez donc point; car il riy a rien de cache qui ne doive etre decouvert ni de secret qui ne doive etre connu Matthieu 10:26-27 ». Le credo du prophete decoule de la confiance que lui portent ses auditeurs. Sans s'epancher sur sa personne, le prophete, par son style, son visage et son pouvoir de conviction doit se mettre en posistion de darte, pour qu'on ne lui reproche pas son obscurantisme.
La lumiere qui inonde le locuteur des propheties est theatrale. Parce qu'elles sont dirigees vers le public, les propheties sont un logos qui prend vie avant tout sur une scene, qu'elle soit reelle ou fictive. Qu’il soit d’inspiration divine ou non, le prophete se place au-dessus de la masse des humains, car son discours descend d’une connaissance cachee. Meme lorsqu’il ne s’adresse qu’a quelques uns, ses propheties ont une vocation universelle, au-dessus des lieux et du temps, puisque le prophete a la hauteur sytmbolique necessaire pour voir au-dela, par dessus la ligne d'horizon habituelle du present, vers un espace derobe a la vue du commun des mortels. II est comme 1'acteur de theatre qui regarde un point imaginaire au-dessus du public, alors que le public est tout entier tourne vers lui. II voit ce que les autres ne voient pas, il ne voit d'ailleurs pas grand chose, ebloui par les feux de la rampę. Mais pour Socrate, on l'a deja vu ,contempler le soleil droit dans les yeux n’est-il pas l'unique moyen de contempler la beaute en soi? « Le tribunal maęonnique, apres un delibere tres exceptionnel, declara que j’etais condamne a la voie seche. Cette voie seche etait superbe. Elle me condamnait a errer, les yeux brules par la lumiere. La voie seche est ni plus ni moins 1'illumination97»
Le logos prophetique, circonscrit au cercie theatral que lui procure 1'oralite, meme lorsqu'il n'est pas profere mais bien ecrit, emplit 1'espace du theatre symbolique. Cet espace n'a pas besoin de decors pour exister, ni meme de scene ou d'une profusion d'acteurs. Un acteur proferant suffit. Le texte et le rapport de 1’acteur a son public construisent tout seuls Hiistoire, comme celui de 1’aede ou du conteur. Les mots sont au theatre le plus grand performatif, car ils savent faire exister des choses absentes ou derobees a la vue du public (une porte, un espace, un cheval, un coup de poignard...). Les propheties de Thierry Ehrmann font bien exister ce qui n’existe pas. C'est pour cette raison que j'ai pu en realiser une carte. On ne cartographie pas ce qui n'existe pas, meme si cette existence n'est qu'imaginaire. En sus, ces propheties s’annoncent elles-memes comme «realisees dans le cadre de performances artistiques». Meme si elles s'en distinguent historiquement, les performances empruntent au happening leur semantique etymologique: le happening, c'est en anglais ce qui est en train de se passer. La maniere narrative d'enoncer les propheties, quelles qu'elles soient, s'accordent a cette idee de deroulement. On a vu comment chaque prophetie de Thierry Ehrmann etait une fleche, dont la course se deroule d'un point a un autre. Malgre sa tabularite et sa secabilite,
97 Thierry Ehrmann, interview « Propaganda », op. cit
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