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sur la Chine89. De son cóte, Le Comte reconnait que la ąuestion n'est pas simple: « Les Chinois sont si anciens dans le monde qu'il en est de Ieur origine comme de ces grands fleuves dont on ne peut presąue decouvrir la source. D faut pour cela remonter plus loin que toutes nos histoires profanes, et le temps meme qui nous est marque par la Vulgate n'est pas trop long pour justifier leur chronologie »90. La decouverte de ITiistoire chinoise provoque un debat en Europę sur la question de la chronologie et sur Longinę de la civilisation chinoise91 : elle ebranle les fondements memes du chrisdanisme; face a cette antiquite, 1'histoire du monde judeo-chretien parait derisoire. Les missionnaires en Chine doivent donc faire connaitre leur position dans ce debat et expliquer les desaccords chronologiques.
C'est dans cette optique que les peres Gaubil et Parrenin essaient d’allonger la chronologie biblique en utilisant, au lieu de la version de la Vulgatey ceile des Septantey qui laisse intactes les annales anciennes chinoises92. Dans sa lettre a Dortous de Mairan, membre de PAcademie franęaise et secretaire perpetuel de PAcademie royale des Sciences, Parrenin justifie cette idee en ces termes: «Oserais-je pareillement esperer que Messieurs les hebraisans nous laisseront un peu allonger la duree du monde, en depit de la pretendue bonne foi des rabbins, qui se sont permis de la raccourcir, pour reculer Pavenement du Messie ? ». Selon lui, 1'adoption des Septante n’irait ni contrę la foi, ni contrę les bonnes
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moeurs; elle revanche, elle faciliterait la propagation de l^yangile aupres des Chinois qui n’ecoutent pas les missionnaires qui n'ont pas « de solides raisons » a leur proposer93.
Concemant Porigine du monde chinois, les jesuites le reinterpretent generalement en fonaion de la tradition judeo-chretienne, convaincus que la Chine a ete peuplee par les descendants de Noe. Le Comte soutient: « D y a de Tapparence que les enfants ou les petits-enfants de Noe se repandirent dans 1'Asie et percerent enfin jusques dans cette partie de la
89 Lettre de Dominiąue PARRENIN du 20 septembre 1740, dans VISSIERE, Lettres edifiantes et curieuses [...]. 1979, p. 392-393.
90 LECOMTE, Un jesuite a Pćkin [...], 1990, p. 164.
91 WANG YL Msng Qing [...]% 1979, p. 99-102.
92 Antonie GAUBIL, Correspondcmce [...], 1970, p. 196 ; GROVER, « La Conrespondance [...] », 1980, p. 91-92.
93 Lettre de PARRENIN du 20 septembre 1740, dans VISSEERE, Lettres edifiantes et curieuses 1979, p. 393.