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initie a toutes sortes de speculations et ruses dont 1'indigene est la victime; a cet egard cet ouvrage est un precieux document historique ćcrit par un natif et administrateur civil en meme temps qui próne
l'integration, [...], persuade qu'une participation indigene accrue permettra de realiser la cite coloniale ideale dans laquelle toutes les communautes seront liees indissociablement. II recommande 1'accession des ćlites a des postes de moyenne responsabilite dans le secteur civil. Coloniser c'est, selon lui, convaincre 1'autre de la justesse de la iigne de conduite que l'on suit et du modele que Ton propose.3*9
Indigenophile achamee, Isabelle Eberhardt decrit l'univers musulman et indigene sans rien cacher, rapportant au lecteur non seulement des faits (du reste elle etait joumaliste, collaboratrice de 1'hebdomadaire YAkhbar, donc par sa vocation joumalistique deja tres sensible au vrai), mais tout son savoir sur ce monde qu'elle parcourt travestie en cavalier arabe. Ses descriptions ou bien ses sequences narratives se distinguent aussi par une forte expressivite, Eberhardt ne se dissimule pas derriere ses descriptions a la maniere de Bertrand ou Randau qui, auteurs et disciples en meme temps de la doctrine esthetique de 1'Algerianisme, evitent d'ajouter des tou-ches plus personnelles qui decident souvent de 1'authenticite du discours.
Dans la partie finale de la nouvelle Sous le Joug, on apprend des faits atroces : 1'assassinat du capitaine franęais et 1'arrestation de son assassin Abdelkader:
Ennuyes.des interrogatoires a venir, mais soulages, les indigenes jeterent le cadavre dans un tellis, en murmurant le nom d'Abdelkader, avec des hoche-ments de tete approbatifs.
Abdelkader fut arrete cinq jours apres, mourant de faim dans les dunes. En cellule, il attendit pendant cinq mois, assis a terre, les poignets ramenes derriere le dos, attaches avec une chaine a un piquet.
Tous les soirs, une femme en haillons, have et maigre, venait a la porte du quartier apporter un pain azyme ou quelque maigre pitance bedouine. Quand le caporal Robah, craignant Dieu et compatissant a tous les musulmans, etait chef de poste, la nourriture etait portee a la cellule d'Abdelkader, avec les phrases d'amour de Tessaadith. Les autres jours, les tirailleurs se regalaient en riant.390
Les qualites de joumaliste d'Eberhardt, comme la rapidite de sa pensee et sa tendanace a accumuler un grand nombre de faits dans une notę tres courte, dćcident de la veracite du texte qui touche le lecteur et
389 A. Calmes, Le roman colonial en Algerie, op. cit., p. 146. 3,0 I. Eberhardt, Sous leJoug, op. cit., p. 188.