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caractere personnel de la relation qui a lieu entre le sujet et un autre homme donnant la place au dialogue, tandis que la premiere relation accentue une separation radicale, accentuant en meme temps 1'identitć de «je» et 1'alterite de 1'Autre.479
Les relations decrites dans les textes portant sur les colonies fran-ęaises par leur naturę meme ne sont pas fondees sur le dialogue; le roman de Bertrand reste a cet egard un exemple remarquable a cause de toutes sortes de non-dits, parmi lesquels la quasi-absence de 1'indigdne semble la plus revelatrice. Nous avons montre les raisons de cette absence, dans quelle mesure le contexte historique et politique determinent ce manque dans le texte bertrandien.
Si Randau donnę la parole a 1'indigene, cet acte est regi par 1’idće de 1'assimiler, car 1'autochtone paratt encore barbare; la distance qui le separe des civilises equivaut a 1'efTort que ces demiers devront effectuer afin de minimaliser les dififerences.
Lavieux-Kaddour evoque [...] ia necessite d'une alliance avec 1'aristocratie terrienne, le theme resurgit regułierement, mais le voeu reste pieux. Toujours en projet, jamais realisee, cette union avec 1’Autre est dementie par le statut que le texte romanesque accorde aux autochtones. Ceux-ci ne sont que des figurants et n'accedent pas au rang de personnages : silhouettes sommairement depeintes, ils n'ont aucun poids dans 1'intrigue sinon par manipulation et leur representation la mieux assuree Test dans la domesti-cite. N'ayant que rarement droit au nom propre, ils sont communćment designes de troncs-de ftguiers\ terme patois algerien (selon une notę de Randau) qui, dans le procćde pejoratif de la chosification, institue les limites de Thumanisme algerianiste.
Dans cet etat de cause il serait abusif de chercher un dialogue la ou ii ne devrait pas avoir lieu, car le statut des figurants ne voue pas les indi-genes au role de partenaires, ce qui entrave un vrai dialogue de cultures qu'on espere observer dans le creuset de races qu'est 1'Algćrie au temps du roman colonial. Meme le roman indigeniste, pour reprendre Paul Siblot, tache d'effacer Palteritć de l'autochtone pour realiser ses idćes assimila-tionnistes. D'ailleurs, selon Simone Weil, 1'idee de deracinement est propre a la colonisation depuis l'epoque de 1'empire romain :
479 Voir M. Jędraszewski, Wobec innego, relacje międzypodmiotowe w filozofii Emmanuela Levinasa, Papieski Wydział Teologiczny w Poznaniu, Księgarnia św. Wojciecha, 1990,
pp. 80-81.
4,10 P. Siblot, «Pćres spirituels et mythes fondateurs de l'Algćrianisme», in Le Roman colonial. hineraires et contacts de cultures, L'Harmattan, 1987, p. 46.