La meme vision se retrouve dans Lunes en papier paru en 1920. L’influence de la litterature d’avant-garde - sans doute Dada et les premiers surrealistes groupes autour de Tzara - y est sensible La victoire sur la mort, victoire ultimę, apparait inutile et sans signili-cation. Tous ces themes sont repris sous une formę plus complete dans La tention de ioccident. La plus grandę partie de l’ouvrage concerne la crise de la culture occidentale mais aussi la crise complementaire que subit la culture chinoise. Pour Malraux cette crise se maniteste par une crise des valeurs individuelles et des espoirs qui les etayaient, une crise de 1’action et de 1 amour, dans laquelle ne survit qu une seule attitude: la connaissance.
Les Conąueranls marquent un saut qualitatif essentiel par rapport a ces premiers ecrits. Goldmann resume tres bien cette evolution:
»le romancier Malraux, entre Les Conąueranls et la Condilion humaine, est un homme qui croit a des i>aleurs unwerselles bien que problematiqu.es. L’ecrivain Malraux du lemps du mepris et de iEspoir est un homme qui croit a des valeurs humaines uni-verselles et transparentes, bien que hautement menacees. L au-teur des Noyers de lAltenburg, ouvrage qui se situe entre la creation litteraire et la reflexion conceptuelle, est un homme qui raconte sa desillusion et cherche encore un łondement a sa foi en rhomme*.40
Une meme structure unit les Conąueranls et La Uoie royale. Ces deux romans classent Malraux parmi les grands ecrivains du 20eme siecle car »ils apportent une solution neuve et originale aux probk-mes les plus importants qui, sous des formes difłerentes et complć-mentaires, se posait aussi bien a la pnilosoptiie qu'a la litterature o.ci-
dentale de l’epoque: celui de donner une signification a la vie a l’in-terieur de la crise generale des valeurs.«41 Remarquons toutefois que Malraux presente, jusqu’a la Condition humaine une solution sur le plan individuel: ce n’est qu’a partir de ce roman qu apparaitra le »personnage collectif«. Ce qui constitue 1’originalite des Conąueranls, c’est que »dans le monde passif et en decomposition que Malraux avait decrit dans ses ouvrages precedents, quelque chose apparait qui ramene la vie et constitue une nouvelle valeur: 1’action est plus prć-cisement 1’action revolutionnaire et historique«.42 Sans doute. nc-s’identifie-t-il pas a ce monde - Garine n’est ni chinois ni revolu-tionnaire professionnel - mais il est le heros du roman car il donnc a sa vie une signification et une valeur, et c’est la rencontre avec le communisme qui constitue cette possibilite de redonner un sens a la vie. Sur ce point on peut comme le fait Goldmann rapprocher Mal-raux de Victor Serge (mais avec beaucoup de prudence, oar respect pour la memoire de Victor Serge), car ils sont les seuls grands roman-ciers k avoir fait de la revolution proletarienne une structure de crća-tion litteraire. Le communisme est apparu d’abord a Malraux com-
40 Ibidem p. 84.
41 Ibidem p. 85. 4* Ibidem p. 97.
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