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grandę utilite pour les gouvernćs»2®. Or, la-dite rćciprocite denote l’indis-solubilite de l'union entre ces deux institutions, Ihese pioclamće avec une obstination croissante au fur et a mesurc que 1’Empire declinait.
2. DE LA ROMĘ POLITIQUE A L'ORTHODOXLE RELIGIEI SE
Au sein de ce « corpus politicum mysticum » qu’etait Byzance, le pouvoir impśrial, par rapport au pouvoir patriarcal, disposait d’une presćance tradi-tionneUe. Notons, par exemple, entre les coutumes qui persisterent jusqu’a la chute de 1’Empire celle des porteurs de flamme qui precćdaient toujours 1’empereur et le patriarchę. Selon le cancniste Balsamon, cette coutumc ex-primait 1’autorite doctrinale des deux potentats en regard du peuplc. Lne lampę allumee symbolisait cette autorite, mais quand il s'agissait de l’empe-reur la lampę comportait deux branches, figurant son double commandement sur les corps et les ames, alors que pour le patriarchę il n’y avait qu’uno seule branche, signifiant sa qualite de directeur des ames 29.
Cependant, au cours du dernier siecle de son existence 1'Empire byzan-tin entra en plein processus de dissolution. « L’ancien bonheur de jadis » (he archaia eudaimonia) avait disparu, comme le constate a plusieurs reprises Jean Cantacuzśne dans son Histoire, et «la fleur de 1’Empire des Rhomees s’est fletrie > 30.
Le nouvel etat des choses permettait a 1’Eglise byzantine et tout par-ticulierement k son patriarchę de se sentir moins exposćs aux interventions impćriales qui leur avaient si souvent entame 1’autoritś par le passe. Tel un fil conducteur, une tendance centralisatrice traverse pendant toute cette periode la politique de la patriarchie oecumśnique. Alors que 1’Empire declinant diminuait jusqu'a son ultimę expression territoriale, l’autoritć du patriarchę constantinopolitain enregistrait une hausse sans precedent. Sa politique s’exeręait active partout a travers le monde orthcdoxe: il disposait d'exarques qui representaient ses intćrets, ses envoj^ćs (apokrisiarioi) expri-maient ces intćr^ts. On constate aussi a l’ćpoque le developpement encore inegalć de l’ślement monastique, surtout de celui qui lui etait subordonnć — n’oublions pas les nombreuses stauropegia patriarcales, ni le fait que le protos athonite et les grandes communautes du Mont Athos se trouvaient sous son autoritć directe depuis 1312. Et ce ne sont la que quelques aspects susceptibles d’£tre mentionnśs ici en tant que pieces essentielles d'un grand processus de transfert d’autorite depuis l’Empire vers le Sacerdoce.
L'autorite de la patriarchie oecumenique durant cette pśriode — autorite prćparant le futur, en consolidant l’Eglise pour faire face aux ćpreuves de la domination ottomane — a pu śtre prśservśe justement grace k la doctrine de l'unitć de l’Empire et du Sacerdoce et non par une rupture entre les deux entites. On ne saurait passer sous silence a ce propos le document de la fin du XIV® siecle, d’ailleurs frequemment ćvoque, qui montre le patriarchę cecumenique reprochant au kneze de Moscou de ne plus faire etat dans les dyptiques de son territoire du nom de l’empereur byzantin. 11 est dit dans ce
** MM li, p. 9.
29 Thomassin, Ancienne et nouvelle disdpline de 1'Eglise, I, Paris 1725, col. 873— 874. En ce qui concerne le patriarchę, cette tradition est mentioaće chez Cantacuzenus, ofi. cit., II, p. 257.
30 Ducas, Historia Turcobyzantina, ćd. V. Grecu, Bucarest 1958, p. 47, 23.