torrent de refutations qui submergeait des sa parution tout autre ouvrage de Teveque de Meaux, semblait tari maintenant. Peut-etre faut-il appliquer ici le criterium de Pierre Bayle qui ecrivit en 1684344): „Bossuet s’est acquis une si grandę reputation dans ses ouvrages de Controverse, que si les Protestants eussent neglige de lui repondre on n’eut pas manque de soupęonner qu,ils ne sęavoient comment repousser les attaques de ce Prelat”.
Bossuet avait eu en effet cause gagnee sur ce terrain. Mais il etait encore loin d’avoir gagne la lutte. Ses adversaires ne lui avaient lachę ce bastion que pour se retirer dans d’autres positions leur offrant de meil-leures possibilites de defense. Tout en continuant a se recrier devant la necessite de se soumettre en matiere religieuse a 1’autorite absolue d’une Eglise, ils etaient prets a Tadmettre au besoin. lis se refusaient seulement a voir dans 1’EgHse catholique, telle qu,elle etait a ce moment-la, le depo-sitaire legitime de cette autorite.
Tel etait surtout le langage de ceux qui, chasses de France par la revo-cation de 1’Edit de Nantes, avaient pris le chemin des Pays-Bas. Ees evenements politiques corroboraient leur these religieuse.
L’annee 1685 marque une datę importante dans 1’histoire du protestan-tisme en Hollande. Le renfort qu’il reęut alors n’a pas peu contribue a son epanouissement. Faisant fi de la defense qui etait faite aux simples laics de quitter la France, un nombre impressionnant de refugies, errant dans le plus grand secret de ville en ville, avaient gagne 1 etranger par de nombreuses voies clandestines. La contrainte n'avait pas reussi a retenir tous ceux a qui leur conviction interieure enjoignait de partir. On a evalue a cent mille le nombre des refugies pour qui la Hollande est devenue une seconde patrie. La fuite des pasteurs etant moins entouree de mystere, on a pu etablir leur nombre exact: au debut du XVllle siecle il s'elevait au chiffre de 363 s45).
Le succes des oeuvres de controverse de Bossuet dans notre pays fut desormais determine pour une large part par ces memes evenements. La reputation de 1 eveque de Meaux s'en est accrue d’une maniere considerable. D'un commun accord les nouveaux venus vantaient ses grands merites.
Etienne Le Moyne, appele des 1676 comme professeur a Leyde, avait admire la moderation de Teveque; il n’appartenait heureusement pas, selon le huguenot, a ces gens emportes qui ne seryent qu’a entretenir les embrase-ments au lieu de les eteindre, et dont on ne peut rien esperer ni dans la societe civile ni dans la religion 346).
344) Nouvellcs de la Republiąue des Lettres, avril 1684.
345) Cf. D. F. Poujol, Histoire et Influence des Eglises Wallones dans les Pays-Bas, p. 140-146.
84(i) Revue Bossuet, t. II (1901), p. 32.
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