tarda pas a avancer fierement qu’en matiere religieuse autant qu'ailleurs, le changement est la condition du progres.
C’est en Hollande, ou la lutte a ete depuis longtemps preparee, que se livre aussi la bataille decisive. Quand Bossuet a publie son Hisloire des Variations, les gazetiers y vouent de longs articles. Elle porte en tete „un nom trop celebre”, et traite une matiere „ou tout le monde prend trop d'interet” pour ne pas en parler 360). Tous les refugies prennent les armes, et bientót on verra Bossuet aux prises avec les trois representants les plus eminents de la Reforme qui sejoument aux Pays-Bas.
D'abord avec Jurieu, le defenseur impetueux et imprevoyant du protes-tantisme, qui sous les coups bien portes de son adversaire sest precipite dans les voies les plus diverses. Apres s'etre hasarde sur le terrain de la libre-pensee, dans Tespoir d'echapper a Bossuet, il est repousse par celui-ci dans les voies de rorthodoxie la plus severe, et va porter sa fureur dans ses propres rangs. Contrę lui M. de Meaux remporte sa victoire la plus nette. Mais cet avantage na pas de consequences pour la cause generale du protestantisme. Au moment ou Jurieu tombe sous le coups de Bossuet, ses coreligionnaires se sont deja eloignes de lui. Ee tout se passe a ses propres risques et perils 367).
Puis avec Basnage, 1’historien perspicace contrę qui Bossuet se perd dans des recherches historiques sans fin.
Ensuite avec Bayle, le plus brillant esprit parmi les refugies franęais, qui s'est empare avec avidite de Tidee du librę examen, s'embourbant de plus en plus nettement dans le pyrrhonisme, dont il se defend avec deses-poir 368).
Des deux cótes se manifeste un retrecissement d'esprit que toute contro-verse parait devoir produire. Bossuet a neglige de saisir les developpements de Basnage sur les divergences causees dans la doctrine par le genie et le caractere particuliers des pays de la Reforme et par les progres accomplis dans le domaine religieux: cela aurait pu ramener la dispute au point essentiel, qui est de distinguer entre l’evolution du dogme et sa variation. Ainsi, bien loin de reussir a realiser une harmonie conciliatrice entre le calviniste Jurieu et Thumaniste Bayle, il n'a fait que les pousser plus fon-cierement dans leurs voies opposees de la Revelation et du libre-examen, ou ils prolongent dans un vide desesperant les lignes de demarcation entre la Reforme et la Renaissance. D'autre part les avertissements passionnes de M. de Meaux nont pu arreter le protestantisme dans la voie glissante du doute et de la negation ou le menait tout refus d'autorite.
366) Ibł
3G7) Histoire des Ouvrages des Sęauans, mai 1690, et mai 1692.
3G8) Cf. sur ces luttes : A. Sayous, o.c., t. I, 2e livre, chap. III; t. II, 2e livre, chap. VI; A. Rebelliau, o.c., 3e livre, chap. V; L. Crousle, o.c., chap. III, IV, V; D. F. Poujol, o.c., p 190 sq.
101