dechiree le message de la paix religieuse, ce n’etait pas un probleme de savoir auąuel des deux partis il devait donner son assentiment. Mais il n’a pas perdu l’equilibre. II ne s’est pas engage dans la route frayee par les remontrants, et qui devait fatalement mener aux idees rationalistes. Leur principe dangereux qui consiste a distinguer entre les choses necessaires au salut et celles qui ne le sont pas, il l’a fermement rejete. II en a trop bien discerne les consequences: ces ,,choses necessaires” doivent etre claires et comprehensibles pour tous les fideles, meme les plus humbles: ainsi on ne pourra plus soutenir les articles de Foi que les sociniens rejettent aussi78). Si le compatriote d’Erasme fit preuve d’une intelligence pratique, 1’objet de la foi restait pour lui un mystere divin.
Apres beaucoup de deboires il s’est aperęu que c’etait tenter 1’impossible que de vouloir creer 1’unite parmi les sectes protestantes. Des lors il ne vit plus qu’un seul moyen d’obtenir le but tant desire. II fallait renoncer a toutes les opinions particulieres pour admettre Tunite de 1’Eglise Univer-selle. En 1643 il ecrivit a son frere:
II y en a beaucoup qui proposent comme remede de distinguer les choses necessaires de celles qui ne le sont pas, mais il n’y a pas moins de dissenti-ments sur ce qui doit etre considere comme necessaire quc sur ce qui appar-tient a la verite. L/Ecriture Sainte servira de guide, dit-on. Mais elle donnę lieu a des explications differentes. C’est pourquoi je ne vois rien de mieux que de nous en tenir a ce qui conduit a la Foi et aux bonnes oeuvres, teł qu’on le trouve dans 1’Eglise catholique. C’est la qu’on rencontre tout ce qu’il faut au salut, a mon avis. Du reste, ce qui a ete admis par Tautorite des conciles ou par la concordance des anciens, on doit l’expliquer comme ceux-la ront fait qui en ont parle le plus convenablement; on en trouvera facilement quelques-uns pour tout sujet 79).
Visiblement ses efforts le poussent vers Romę. Qu’il mesestime encore Fautorite de TEglise enseignante; qu'il ait meconnu la vie croissante dans la tradition, bloquee sans cela dans une immobilite absolue; qu’il jurę par la formę sous laquelle les verites ont ete exprimees par les Peres, sans compter que nombre de consequences ne s’en sont degagćes que plus tard; qu'il n'admette pas 1’infaillibilite du papę, Bossuet est bien le dernier a pouvoir lui en faire un reproche, puisqu’il n’y tenait pas non plus80). Ce parallelisme surprenant entre le jurisconsulte hollandais et l’eveque franęais, on peut Tapprofondir encore, puisque leur mobile secret est ici le meme. Tous deux ils se sont efforces de realiser la rćunion des protes-tants avec TEglise-mere; Tun comme 1’autre a confine entre des bornes
78) Cf. A. Haentjcns, o.c., p. 144-145; P. Winkelman, Remonstrcnłen en Katho-lieken in de eeuw van Hugo de Groot, p. 269-270.
79) Epistulae, p. 960.
80) Comme nous le verrons encore aux chapitres suivants, il admettait seulement rindefectibilitć du Saint-Siege. Notons que ce nest qu’au Concile du Vatican que Finfaillibilite du papę a ete cxplicitement definie.
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