1’autorite, mais qui a eu une cause deplorable a defendre. II se trouve decidement au dessus de la melee. Rien ne Tillustre mieux que la nouvelle variation sur le theme du mariage secret de Bossuet. Nous avons vu tout le parti qu’on a tire de cette fable au dix-huitieme siecle.
En 1756 Voltaire l’avait reproduite en ces termes:
„On a imprime plusieurs fois que cet Evćque a vecu marić; cl St. Hyacinthe, connu par la part qu’il eut a la plaisanterie dc Matanasius, a passe pour son fils; mais il n’y cn a jamais eu la moindre prcuvc. Une familie consideree dans Paris, et qui produit des personnes de meritc, assure qu’il y eut un contrat dc mariage secret entrc Bossuet cncorc trcs jcunc, et Mile des Vicux; que cette Dlle fit le sacrificc de sa passion et dc son etat a la fortunę quc Peloquence de son amant dcvait lui procurer dans PEglise; qu’elle consentit a ne jamais se prćvaloir de ce contrat, qui ne fut point suivi dc la celćbration; quc Bossuet cessant ainsi d’ctrc son mari, entra dans lcs Ordres, et qu’apres la mort du Prćlat, cc fut cette memc familie qui regla lcs rcprises et les conventions matrimonialcs. Jamais cette Dlle n’abusa, dit cette familie, du secret dangcreux qu’ellc avait cntre les mains. Elle vćcut toujours Parnie dc PEvcque dc Meaux dans une union severc et respectec. II lui donna de quoi acheter la petite terre de Mauleon a cinq lieues de Paris. Elle prit alors le nom de Mauleon, et a vćcu pres de cent annćcs” 525).
Or en 1847 la romanciere Geertrui Toussaint s’est emparee de la donnee, sous la formę dont Voltaire l’avait revetue, pour en faire un roman, intitule Mile de Mauleon (Mejonkvrouwe de Mauleon) 526). Le cas nous parait trop unique pour ne pas nous delasser un moment en relatant Pintrigue de ce recit romantique.
Mile Yolande Desvieux habitc le domaine de Mauleon, tout pres dc Paris, ou elle vit cn religicuse, n’apprenant plus qu’a mourir. Un soir pourtant elle acccptc une invitation chcz Ic baron et la baronnc de Vancy. Elle ne s’y sent pas a Paisc, et elle cst heurcusc dc pouvoir jouer aux ćchecs avcc le chcvalicr des Sccousscs, officicr dc la marinę. Pendant cette partie Saint Hyacinthe, un jcune abbć elegant et coquct, entre pour annoncer a Yolande, sa marraine, quc „Monseigncur” lui fait savoir qu’il viendra lui rendre visite a Mauleon ce soir-Ia. Dans un cntrcticn qu’il a ensuitc avec elle, Pabbć lui avoue qu’il vcut quittcr „son costume dc carnaval”, parce qu’il compte se fiancer avec Cathćrinc des Sccousscs, une niecc du Chevalier. Pour le convaincre de rcnoncer a ce projct, elle lui racontc Phistoire de sa vie.
Au debut c’est une belle idylle : elle est nćc a Dijon. A douzc ans, son pere la promct au fils de son voisin, Jacqucs Bossuet, agć alors de dix-sept ans. Lcs deux peres scellent la promesse par un contrat en regle. Jacqucs part pour le college des jesuites a Paris. Trois ans plus tard leurs fianęailles ont licu. Mais voila ou les cartes se brouillent: Louisc, la cousinc dc Yolande, cst au desespoir, puisqu’en secret elle a toujours aimć Jacques. En proic a ces scnti-ments elle ne pcut pas rćsistcr a la seduction d’un gentilhomme anglais, mylord Henri, qu,clle rencontre a un bal masque. Celui-ci etait nć d’un pćrc catho!ique franęais et d’unc merc puritaine anglaise. Scs parents avaient divorce a cause de „ces malheureuses discordcs qui ne reposent peut-etre quc sur un prćjuge”. Apres la mort de sa mere ii etait parti pour la France, en dćpit de scs parents anglais, pour aller rechercher son pćre. II avait trouvć, non sans avoir errć
525) Le siecle de Louis XIV, Collection complette des CEuvres de Mr. de Voltaire, t. XI, p. 47-48.
526) A. Bosboom-Toussaint, Romanłische Werken, t. III.
147