Bossuet rTadmettait pas Tinfaillibilite du papę, en effet, mais Tindefec-tibilite du Saint-Siege25fl). Dans sa controverse avec les protestants il n’etait que trop heureux de pouvoir eliminer comme une ąuestion de librę discussion cette infaillibilite, que les pasteurs ne cessaient dalleguer pour rendre odieuse la puissance du papę.
Pourtant les conclusions de Bossuet divergeaient de celles des polemistes hollandais qui se reclamaient de lui. L/Eglise, d’apres lui, ne pouvait pas exiger une soumission de foi divine pour les faits dogmatiques et doctri-naux. Elle n’en conservait pas moins le droit absolu d’exiger une soumission interieure, car „au dessous de la foi theologale il y a un second degre de soumission et de creance pieuse, laquelle peut etre souvent appuyee sur une si grandę autorite qu’on ne peut le refuser sans une rebellion mani-feste”. Voila ce qu’il ecrivit aux religieuses de Port-Royal 257). A la fin de sa vie il se rangeait toujours a cette opinion. Indigne par 1’attitude des docteurs a 1’occasion du Cas de Conscience, il entreprit d'ecrire un livre pour prouver que „1’Eglise est en droit d’obliger tous les fideles de sous-crire, avec une approbation et une soumission entiere de jugement, a la condamnation non seulement des erreurs, mais encore des auteurs et de leurs ecrits” 258). Jamais il ne s’est contente du seul silence respectueux. C’est sa ferme volonte de garder 1’unite et la paix qui lui a fait croire sincerement a la Paix de Clement IX comme a une condescendance parti-culiere.
Avec la naivete particuliere aux hommes de genie il a commis la faute psychologique de croire que son raisonnement aurait pour des revoltes la meme valeur que pour lui. Sa conclusion ne saurait sembler naturelle et de necessite imperieuse qu’a des ames mystiquement religieuses comme la sienne. Les adherants de Codde n’en retenaient qu’un seul fait certain: c’est quon n’avait pas besoin de souscrire de foi divine aux decisions sur les faits dogmatiques. Le reste n’etait pour eux qu’interpretation person-nelle. Rien de plus 259).
256) „Dans ce systeme, si un papę avait propose a TEglise une definition erron-nće, il aurait du etre reformę par lui-memc ou par ses succcsscurs. On reconnais-sait d^illeurs que le cas etait a peu pres chimć^ique.,, (CEuvres orałoires, t. VI, p. 100, notę 1). Cette opinion fut soutcnuc entre autres par le papę hollandais Andricn VI.
257) Juillct 1665, Correspondance, t. I, p. 122-123.
258) Journal de Ledieu, t. II, p. 100. C’est son livre De 1’autorite des jugements ecclesiastiques, dont nous ne possćdons quc des fragments. (Ib., t. II, p. 317).
259) Tout comme les religieuses dc Port-Royal. Cf. la Lettre des religieuses de
Port-Roial des Champs a son Eminence M. le Cardinal de Noailles...... Sur son
Mandement du 15 avril 1709 et sur la lettre qui y est jointe...... ecrite par feu
M. l’Abbe Bossuet, 1709 (Bibl. des Vieux-Catholiques, Amersfoort).
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