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furent molestes. La Declaration gouvemementale et le Message royal, ou le mot «independance» a ete prononce, suivent de pres. Le moment est mai choisi, car on a donnę 1’impression davoir capitule devant 1’insurrection. L’atmosphere devient de plus en plus nerveuse. Dans les banques, les depóts diminuent et les titres sont rapatries. Les indigenes n'ont retenu que le mot «independance», devenu pour eux une obsession.
En 1960, le Gouvernement organise la Conference de la Table Ronde, chargee de preparer Temancipation de notre colonie. La delegation congolaise est composee des leaders de partis, divises par des rivalites tribales mais unis pour reclamer 1’independance immediate. La Belgique est representee par des hommes politiques qui nont pas l’experience des Congolais et de leur art a conduire les palabres. Aucun representant du secteur prive n’est admis. L’intervention dun de nos ministres invoquant les imperatifs economiques n’a pas d’echo. Desorientes par 1’intransi-geance des Congolais, les Belges cedent sur toute la ligne : 1’independance sera pour le 30 juin. Notre confrere visite les filiales. II contacte egalement les responsables de TAdministration, qu’il rassure au sujet des exploitations: tout est calme. Le 30 juin, il assiste a la proclamation solennelle de 1’Independance. Au Parlement, le Premier ministre Lumumba prononce une diatribe virulente contrę la Belgique. Durant le banquet qui suit, son discours est a 1’antipode de celui du matin. Le Roi assiste ensuite au defile des troupes. La Force Publique est en grandę formę, sous la conduite de ses officiers belges. Enfin sonne 1’heure du depart du Roi. Notre confrere le raconte avec emotion: «Les ministres belges et congolais se rangent devant la passerelle ; nous nous plaęons derriere eux ; une delegation des anciens combattants accourt avec son drapeau. En dehors de cela, il n’y a personne. Le Roi serre les mains puis gravit lentement la passerelle; en arrivant au-dessus, il se retoume, contemple 1’horizon et entre dans la cabine. Les portes se referment; il est 6 heures, le soleil se couche, les coeurs se serrent».
Edgar van der Straeten n’est certainement pas homme a cultiver des pensees nostalgiques. II commence tout de suitę le long combat qu’il menera pendant cinq ans pour sauvegarder Toeuvre que la Societe Generale a edifiee au Congo. II reunit tout d’abord les dirigeants des filiales afin d’examiner les problemes que la mutation politique du Congo va poser: salaires, promotion des autochtones, relations avec les autorites, statut juridique des societes, programmes de developpement. Le 5 juillet, il rencontre Lumumba. Le premier ministre, tres cordial, dit vouloir dissiper les malentendus. II declare : «I1 y a des moments ou on dit des choses qu’on ne croit pas et auxquelles il ne faut pas attacher d’importance. Ce qui est vrai, c’est que je n’ai pas vu dans dautres pays africains de realisations comparables a celles qui ont ete faites au Congo. Les Belges sont venus ici alors que personne dautre ne voulait s’interesser au Congo ; maintenant que cela vabien, dautres voudraient prendre des places. Cela ne va pas, c’est avec les Belges que je veux continuer a travailler».
Le lendemain 6 juillet, la face des choses change brusquement: des soldats se sont mutines a Thysville. Les officiers ont ete desarmes, parfois molestes. Des femmes ont ete violees. Le mecontentement gronde dans les gamisons, car 1’independance n’a