Quel quait ete le statut des ouvrages historiąues produits a Saint-Denis avant le regne d Charles VII, leur prestige est en tout cas considerable. Des le XIT siecle, ils sont consultes p< des trouveres, des chroniąueurs et metne des notaires47. Michel Pintoin se gardę bien de taii les episodes qui attestent lautorite dont jouissent ces textes en son temps. D rapporte ainsi qu l'eveque de Pampelune, envoye a Paris en 1397 pour soutenir devant le Conseil royal 1< revendications de Charles m de Navarre quant a Uteritage de sa mere, a effectue pour k besoins de la cause une recherche genealogique dans les annales de son abbaye (U, 538) E 1406, lors d'un debat sur la soustraction d'obedience, on oppose aux arguments avances par u orateur en faveur des drońs de Benoit XIII le temoignage des "cronica ecclesie beati Dyonisii (HI, 468). Deux ans plus tard, ces dernieres auraient, au dire du Religiewc, joue un role decis lors du proces opposant la filie du sire de Coucy aux heritiers du duc d'Oiieans (IV, 88-90 Liees au pouvoir sans pour autant lui etre directement soumises, les chroniques de Saint-Den apparaissent bien, au seuil du XV* siecle, conune un "lieu de memoire" privilegie du royaum de France48.
Homme de lettres pour qui seul 1'ecrit permet de perpetuer la connaissance des fail passes, Michel Pintoin a d'ailleurs clairement conscience des enjeiuc qu'implique son role d "memorialiste”49. Ses contemporains aussi: son rech contient plusieurs references, tanu voilees, tantót explicites, aux pressions exercees par des individus ou des groupes sur so entreprise. En 1393, alors que le Religieux se trouve a Leulinghen, un village situe a mi-chemi entre Boulogne et Calais, ou se deroule une serie de conferences de paix franco-anglaises, I duc de Berry lui ordonne ainsi de noter le ceremonia! observe lors de chaque rencontre (II, 76 En 1411, les part i sans du duc d'Orleans demandent que la fuite honteuse du comte de Neven 47 D. Nebbiai-DaJla Guarda. op. cit.. pp. 50-51.
** Voir Bernard Guenće, *Les Grandes Chromąues de France: le Roman aux roys (1274-1518)’, Les lieux a mimoire (Pierre Nora. dir ). II- La nation, l 1, Paris. Gallimard, 1986, pp. 189-214.
49 Dans le prćambule i sa chroniąue. il ecrit ainsi. i propos de la rcnommee de Charles VI: 'quam. ne merit laudibus defraudetur, non echo excipienti plausus iheatrales conunitiendam censeo, sed perpetuandam Utleń, ąuibus calamum offero affectu obseąuioso’ (L. 2). Le Religieux laisse aux herauts (precones) et aux bouffons c cour (hystriones), a 1'egard desquels il fait preuve d'unc certaine condescendance. le soin de raconler oralemei (preconizare, echoniiare, dedamare) les evencments - en particulier les fetes et les toumois • dont 1'imponanc lui apparait secondaire. et qu'il ne juge pas neccssaire de rapporter en detail. Voir notamment les passagt suńants: I, 360; III, 32, 78; V. 204.412. Cf V, 550 (ou Michel Pintoin dćplore le poids croissant des heraut dans la commemoration des fails d'armcs); sur ce derm er passage, voir B. Guenće. "Michel Pintoin: sa vie, so oeuvre". pp. XXV1II-XXIX.