3 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPEEN (XVIie S.) 183
division plus large des pćriodes historiąues, ce siecle appartient plutót k l’ćpoque moderne qu’au Moyen Age. Mentalitćs, attitudes, idćaux prćdo-minants dans 1’histoire de ce coin du continent jusqu’au teraps raodernes — c’est au XVII* siecle qu’ils se cristallisent. Nous ferons remarquer, en ce sens, que le programme de libćration politique et d’organisation d’un eertain nombre de nations sud-est europćennes en Etats modernes s’est manifestć pour la premiere fois au cours de ce siecle. La laicisation de la pensće, les attitudes humanistes, les nouveaux courants de la politique ćtrangćre datent, comme on le sait, du XVII* siecle. C’est toujours & cette śpoque que les peuples balkaniques commencent a occuper une place impor-tante dans la conscience de 1’Europe occidentale et a susciter des images vćridiques. II suffit, k cet ćgard, de souligner que c’est au cours de ce meme XVII* siacie qu’on yoit 1’orientalisme Occidental marquer un intćret accru pour la Turcocratie1, se raultiplier et se nuancer les notes de voyage au Leyant et que, sur le plan religieux, ćconomique et politique, 1’intóret de 1’Europe occidentale pour le raonde oriental dćterraine le dćvelopperaent du commerce dans la Mćditerranće ottomane, 1’accroissement de l’activitć des ambassades des Grandes Puissances aupres de la Porte et celle des raissions eatholiques en Orient.
Les ćvćnements de ce sićcle tumultueux se sont reflćtćs, comme de juste, dans le domaine des idćes, tout en influant sur elles et en favorisant 1’essor. Parmi les acteurs ou les tćmoins des transformations qui avaient lieu alors dans 1’Europe du Sud-Est, les intellectuels occu-pent une place de choix : tant par leur ćducation, leur information et leur role social que par 1’habitude de la rćflexion, ils śtaient plus en me-surę de comprendre le sens de la marehe des ćvónements et, plus d’une fois, de prendre part a ceux-ci ou mćme d’entreprendre des actions d’une certaine durće dans un esprit qui les rattache ćtroitement, comme in-tentions ou comme idśal, a l’śpoque moderne.
Les modifications profondes qui ont affectś la pensće, les croyances ou les attitudes, ce sont eux les premiers & les avoir peręues et dćvoi-lćes. Dans toute tentative de rćtablir un contact avec les hommes du XVII* siecle, les intellectuels sont pour 1’instant — soit par leurs ćcrits, soit par leurs activitćs, telles qu’elles sont consignśes dans les documents — les seuls interlocuteurs. Une enquete k leur sujet peut foumir la rć-
Orientalisme distinct de la prćoccupation pour la Turcocratie du XVIe sićcle, qui a produit des ouvrages — remarąuables, du reste — comme ceux de Guillaume Poste] ou de Francesco Sansovino, dont le but nf6tait que «to prove in the long run a better guarantee of Europe*s capacity to resist and overcome the Turks than the intolerant fanaticism of propagandists and pamplileteers » (Paul Coles, The Ottoman impacl on Europę, Londres, 1968, p. 152). En ce qui concerne la turcologie du XVI® siecle, nće d’6tudes de byzantinologie et illustrće par Leunclavius ou Crusius, voir Pćtude de Eugen StSnescu, Die Anfhnge der Byzantinisiik und die Probleme Siidoslcuropas im 16. Jahrhundert, dans «Byzantinische Bei-trdge *, hrsg. von J. Irmscher, Berlin, 1964, pp. 373—397.