5 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPfiEN (XVIIe S.) 185
II convient donc de rapporter les phćnomfcnes qui nous intćressent non seulement au bloc Continental auąuel ce monde appartient gśo-graphiąuement, mais aussi, et en premier lieu, a tout 1’ensemble de struć-tures, d’institutions et de formes de pensśe dont il faisait partie en yertu d’anciennes traditions. Meme en laissant de cótć, en tant qu’anachro-niąues, les anciens cecumśnismes macśdonien, romain et byzantin, qui ayaient englobć jadis toute 1’Europe du Sud-Est, Vkpoque ou se situent nos recherches est dominie par des frontieres et des róalites dans le cadre desąuelles Bucarest, aussi paradoxal que celapuisse paraitre, est plus proche de Jerusalem et du Caire que de Vienne ou de Romę. Quiconque connait les institutions, les sources et l’atmosph£re gśnśrale de l’śpoque devra admettre que pour trouyer des termes de comparaison, c’est en premier lieu vers 1’Orient, vers 1’Empire du Croissant qu’il faut porter ses re-gards. Ce critóre est valable non seulement pour 1’histoire des Pays Roumains, mais aussi pour la Serbie et la Gr6ce. Le fait ne diminue d’ailleurs en rien le mśrite des efforts dśployśs par 1’intelligentsia bal-kanique pour proelamer son appartenance europśenne, bien au con-traire : en montrant quelles sont les structures ghiórales dans le cadre des-quelles les intellectuels de ces pays ont tachó de modifier le cours du de-veloppement de leurs socićtes respectives dans un sens correspondant a leurs anciennes lignes d’orientation et de creation, on ne peut que souligner la valeur — et plus d?une fois le dramatisme de ces efforts.
Pour 1’histoire des relations Orient-Occident, l’Europe du Sud-Est reprćsente au XVIIe siacie une aire particuli^rement fertile. Au temps ou l’ćcole orientaliste de l’Occident ne comptait encore que peu d’adeptes, il existait dśja ici des chrśtiens śrudits lićs, de par leur formation m£me, a deux spiritualitśs — la ehrśtienne et la mahomćtane; a deux cul-tures—1’europćenne et l’arabe. Dans cette histoire de la civilisation de 1’Ancien Monde, on peut citer des ćrudits slaves musulmans, tel al-Bosnawi, qui sont les derniers commentateurs de penseurs persans de la taille du mystique Muhyi-d-din ibn’Arabi, inspirateur selon certaines opinions de la Bivine Gomódie; ou des Moldaves cożrnme l’orthodoxe Nicolae Milescu, qui traduisit en roumain une Septante protestante et fut le premier ambassadeur du tsar Alexis Mikha'ilovitch en Chine \ ou bien son compatriote Dimitrie Cantemir, fin connaisseur du classi-cisme grćco-latin et arabo-persan, auteur d’un systfeme de notation de la musique turque, a la fois conseiller intime du tsar Pierre le Grand et membre de 1’Acadćmie des Sciences de Berlin; ou bien encore ce Gśorgien, Anthime d’Iyir, classique de la littśrature roumaine, promo-teur de l’imprimerie dans sa patrie et l’un de ceux qui ont contribuć la crśation de la premierę imprimerie pour les Melkites de Syrie et du Liban. Citons enfin des voivodes de Yalachie, tel Constantin Brinco-