43 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPfiEN (XVII* S.) 223
importants, soit la disparitionfPun peuple, soit Vanóantissement ćTun empire, soit tfautres faits du meme ordre »104.
La meme croyance dans les Sciences hermćtiąues se retrouye chez les contemporains du grand logothfete. Ainsi, le Crśtois Jśrśmie Cacavela a tirśdeson sśjouren Valachie, alacour de^erban Cantacuzino (1678 —1688) un curieux opuscule, intitulś 'Ep[/.ł]veia tou §txs<paXou Xaycoou cpavevroę ev BXayia (Interprćtation du li&vre bicćphale qui s’est montrć en Yalachie)105. Ce cas tćratologiąue est interprśtś comme une prśdiction qui, selon l’auteur, ne signifie rien de moins que «la situation de fait des Turcs impies ». Le li6vre est un animal peureux, mais «depuis la eampagne de Yienne 1’Empire des Turcs est devenu plus peureux que le li6vre». Le monstre avait huit pattes, signe certain de «la fuite rapide et de 1’anćantissement de cet empire »•, deux tetes, signifiant les dissensions entre Mehmed et Suleiman, les fils du sułtan Ibrahim, qui se sont partagś 1’Empire; le signe s’est montrś en Valachie, par consśquent §erban Cantacuzino, prince de ce pays, doit au plus vite chasser le «li6vre monstrueux», sans avoir dósormais a le craindre.
Dans ce cas curieux de tćratomancie, Caryophyllis exeręa lui aussi ses talents divinatoires. Pour lui, le li6vre bicóphale n’ćtait autre que la Valachie, «pays ouvert, dćpouryu de canons, de fortifications et de machines de guerre comme le cceur du li6vre», qui n’a pas de pśricarde, ce qui explique la naturę craintive de cet animal. Quant aux deux tetes, elles signifient la domination d’aujourd’hui (ottomane) et celle de demain (allusion śvidente a 1’Empire des Habsbourg), « a laquelle le li6vre (la Valachie) doit se soumettre afin d’etre gouvernć et d’etre en paix aussi de ce cótś-la »106. De bons pronostics, comme on voit, puisque conformes a la politique austrophile et antiottomane du prince §erban Cantacuzino.
Le rapprochement, auquel de telles interprćtations conduisent, avec les affirmations des penseurs de la Eenaissance (Altera magia nihil est aliud — dśclarait deux stecles plus tót Pic de la Mirandole — cum bene exploratur, guam naturalis philosophiae absoluta consummatio)101 confóre aux pratiques hermśtiques et astrologiques de nos intellectuels le sens d’une śvasion du cercie des conceptions chrśtiennes, avec la volontś d’ślargir le champ de leurs connaissances. De telles aspirations śtaient, ainsi que nous l’avons montrć plus haut, condamnćs par l’Eglise. Si le nouvel enseignement Occidental n’avait pu ścarter certaines habitudes
104 ‘Ep(XiV]veta tou 8ixe<paXou Xayaiou Ł\> Moifftqę napa tou (j.eyaXoo Xoyo0£TOi> xup 'kodwou toO B'.^avrtou (Interpritation du, lifevre bicćphale de Misie due au grand logothitc Sire Jean de Byzance), dans E. de Hurmuzaki — A. Papadopoulos-Kerameus, Documente privitoare la istoria rom&mlor, vol. XIII, Bucarest, 1909, p. 206.
i°s Voire le texte, ibidem, pp. 204—206.
108 Ibidem, pp. 206-207.
107 Apologia, p. 15, cite par Ph. Monnier, Le Quallrocenlo, nouv. id., t. II, Paris, 1931, p. 120, notę 1.