47 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPfiEN (XVlle S ) 227
(Le bonheur public)115, ainsi que pour Sevastos Kymćnites, auteur d’ścrits similaires 116, il n’y a pas d’ćloges, ni de termes de comparaison suffisants pour dópeindre les ąnalitds dont ce prinee fut comblć par Dieu et par toute la mythologie : «La lunę t’a donnć toute la doueeur du cceur, Mercure t’a donnć une sagę et riche śloąuence, Vćnus t’a parć d’un yisage plein de majestć, le soleil t’a gratifiś du don qui est le sień, a savoir d’eclairer et de rćjouir ceux qui se trouvent sous ta protection &, et, ainsi de suitę, Mars, Jupiter, Saturne, la Naturę concourent & combler 1’homme destinć a etre, suivant le panćgyriste, non seulement prinee (de Valachie), mais aussi empereur (de Byzance)117.
Tout comme les tristes hćros de la conspiration contrę Nćron — qui meme a l’instant qui precćda sa mort n’osaient pas critiquer le tyran, nos flatteurs ddposent plus d’une fois leurs ćloges meme au pied du tróne ottoman. Dans sa relation du Voyage de Patriarchę Macaire d^Antioche, Paul d’Alep ne cite pas une fois le nom du sułtan sans le vceu hypocrite de : « que Dieu le gardę !». La visite de Mourad IV a Alep, le 12 juillet 1639, «fut un jour cdlebre, qui comptera dans la vie des peuples et qui sera mentionnd dans les ages futurs jusqu’a la fin des siecles »U8. Dans le cas prdsent, 1’auteur dtait peut-etre tenu a la prudence par le fait que son ouvrage, ecrit en arabe, dtait accessible aux Turcs. Le hidromoine Parthene Metaxapoulos, du mont Soumela, se sera fait le meme raisonne-ment lorsque, publiant en 1768, a Bucarest, son ouvrage (PEnseignement chrótien (karamanlidika), il conclut ses vers dddicatoires «au Tres Ulustre prinee » (Alexandru Scarlat Ghica) par ces flagorneries :
Que Dieu — grandę soit sa gloire !
Par son ordre vous gardę toujours,
Fort et inćbranlable, sur votre tróne,
Pour le bonheur des chrćtiens
Et pour la gloire de la religion de Mahomet (sic !)11#.
Cette pratique, car c’est une pratique de plus en plus frdquente au fur et a mesure que l’on approche du XVIII* siecle — le siecle phana-riote par excellence — suggere non seulement des comportements profon-
116Publiće chez E. de Hurmuzaki — A. Papadopoulos-Kerameus, op. cit., pp. 193 —198.
11C Ibidem, pp. 209 — 247; un autre panćgyriąue de m£me facture est dó k Athanase Patellaros, ibidem, pp. 437 — 449.
117 S. Lihoudis, loc. cit.9 p. 195.
111 Voyage du Patriarchę Macaire tfAntioche, ed. Basile Radu, dans R. Graffin et F. Nau, Patrologia orientalis, XXII1, Paris, 1930, p. 45.
118 I. Bianu et N. Hodo$, Bibliografia romdneascd ueche (Bibliographie roumaine an-cienne), t. II, Bucarest, 1910, p. 186. Des vers dćdićs k « S. M. PAuguste et Suzerain Sułtan Medjid j> ćtaient composćs par des auteurs conformistes jusąu^u siecle dernier; v. par exem-ple le «Calendrier avec les pródictions du vrai astrologue antiąue Kazania pour Pannće 1855 », Bucarest, 1855, p. 43. Mentionnons du reste que la listę de cette curieuse littćrature de flatterie comprendrait aussi le professeur franęais de Bucarest J. A. Yaillant...