31 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPfiEN (XVII e s.) 211
Severin Salaville a soulignć a juste titre «la richesse du contenu dogma-tique et morał des liturgies orientales », 1’importance de leur role doctrinal et educatif« mćritant d’etremieux exploite qu’ilnel’a encorećte jusqu’a prćsent»78.
Le liturgiste eatholique a, de nieme, attirć l’attention sur la richesse de Venseignement ascetigue et, notamment, sur la large utilisation de la Bibie et des ecrits patristigues dans la liturgie orientale, qui met ainsi en lumiere les qualitśs de synthese theologigue de cette liturgie, capable de fournir a ceux disposćs a cultiver ces textes non seulement une excellente introduction a la doctrine chretienne, mais aussi le moyen de realiser cette doctrine en eux-memes. II eonvient de souligner encore le lyrisme pośtique des textes liturgiques, qui reprósentent, comme on le sait, le produit d’une immense litterature a laquelle ont contribuó, de Eomain le Melode jusqu’& saint Jean Damascene, Casia et Joseph, noms cślebres de la pośsie byzantine. Le caractere populaire de Vhymnographie liturgigue mettait celle-ci a la portee des moines issus du milieu rural. Le Cardinal Dom Pitra a soulignć avec pertinence la varićtć et le caractere accessible de cette littćrature qui, a cótś de la crśation folklorique, a reprśsentć des siecles durant la seule nourriture pośtique pour toute les couches sociales de la chrótientć orientale 79. La circulation des manuscrits de-montre gidau siecle gui nous interesse les textes ascetigues etaient encore lus dans les monasteres. Au Mont Athos, la tradition hśsychaste śtait encore vivante. En principe donc, les moines disposaient des moyens necessaires pour se former dans Vesprit de la doctrine traditionnelle de FEglise d'Orient.
Dans quelle mesure utilisaient-ils ces possibilitćs ? II y a lieu de croire que, le plus souvent, ils se contentaient d’assimiler formellement les rites, les regles de pśnitence et les prescriptions du droit canonique. Si certains moines studieux, une fois parvenus a des degrśs hiśrarchiques plus ślevśs, rśussissaient a trouver les loisirs nścessaires pour traduire les ecrits des Peres de 1’Eglise, tel Varlaam, mśtropolite de Moldavie, traducteur de l’ceuvre de saint Jean Clymax, les soucis matśriels ne per-mettaient guóre a la masse des autres de s’adonner a de pareilles occu-pations 80.
78 S. Salaville, Liturgies orientales, vol. I, Paris, 1932, pp. 72 — 73; cf. ćgalemcnt Sophie Antoniadis, Place dc la liturgie dans la tradition des langues grecąues, Leyde, 1939, 367 pp.
79 Dom J. - P. Pitra, Hymnographie de 1'Eglise grecque, Romę, 1867, p. 3.
80 La multiplication des Anthologhion — c compression en un volume umque du Sanc-toral et du Temporal » (« Emile Legrand, Bibliographie helttnique> Paris, 1894 n'en cite pas moins de 6 pour le XVIIe siecle », cf. S. Salaville, op. cit.9 p. 192) — est significative pour la rćduction du lemps consacrt auz ezercices spirituels dans les monasteres orthodozes. La rć-duction du temps des offices — il est vrai que sans renoncer k rien de ce qui est essentiel dans leur structure — exprime la m£me h&te apportće k la transcription des manuscrits qu'śi la cćlćbration meme des offices. A cela vient s^ajouter le dćbit prócipitć des officiants, qui nuit si gravement k la solennitć et aux fonctions pastorales des liturgies orientales : autant de sacrifices consentis sous la pression des soucis profanes ou par sćcheresse spirituelle, phćnomfcnes nettement discernables au XVIIe sićcle.