27 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPEEN (XVII« s.) 207
Ainsi que nous le verrons plus loin, les intellectuels sud-est europćens. ótaient unanimes a reconnaitre la dćcadence politiąue, ćconomique et culturelle de cette partie du monde. S’ils conservaient le sentiment d’une indiscutable supórioritć doctrinale sur 1’Occident catholiąue ou protestant 69, ils ćtaient tout aussi conscients de leur propre infśrioritć sur les plans de 1’organisation, de la crćation et de Pefficienee70. Avec le tempsr dans le conflit tradition-innovation de Phistoire des idćes et desinstitu-tions sud-est europóennes, les divergences s’accuseront entre ceux pour lesąuels c’est la puretó de la doctrine qui doit prćvaloir, et ceux qui risent & rattraper 1’Occident fut-ce en sacrLfiant peu a peu la doctrine. Cette divergence d’attitudes en dóterminera une autre quant aux moyen.s et aux programmes. Aussi, lorsque la conjoncture sera favorable a la reprise des activitćs culturelles en matióre d’enseignement, d’art, d’imprimerie, de constructions et d’institutions, les programmes respectifs seront pour un certain temps partagśs entre le modele autoritaire des grandes figures du passś — empereurs byzantins, tsars serbes ou bulgares, Toirodes roumains, P6res de PEglise et moines ćrudits d’autrefois — et celui prestigieux de 1’Occidental a mentalitó moderne. Le XVII* siecle roumain est significatif a cet ćgard et nous avons souligne dans un precćdent ouvrage 71 les tendances visiblement antagonistes qui se dessinent a cette ćpoque en Yalachie dans les programmes de renaissance culturelle : Matei
Basarab s’efforęant de rśpóter les actes de son prćdścesseur Neagoe, dont un siecle et demi le sćpare; son beau-frere Udri§te N&sturel, promoteur d'un humanisme de conception occidentale, mais d’expression slavonne ana-chronique; un clergś d’extraction paysanne ceuvrant en faveur d'une respectable óducation religieuse pour laquelle, rśaliste, il commence a, recourir a la langue vivante du peuple. Cette confrontation de programmes, qui traduit la recherche des Solutions nouvelles, salutaires pour une sociótó infirme a tant de points de vue, trouve son expression dans Ven~ seignement du temps, dans la formation des intellectuels sud-est europee)is. Un des traits caracteristiąues de ces intellectuels, beneficiaires de plusieurs
«(...) Les Latins devraient se dire que si nous n’avons pas la science des choses extćrieures, nous possćdons, par la gr£cc du Christ, la science intćrieure et spirituelle qui arme notre foi orthodoxe et que, sur le chapitre des sacrifices et des tribulations, nous sommes k jamais supśrieurs aux Latins. (...) II y a trois cents ans que les Turcs sont maltres de la Gr&ce (...) La religion du Christ et le myst&re de la pitić sont dans toute leur splendeur et vous me dites que nous manquons de science? » (Cyrille Loucaris, apud C. Th. Dimaras,
op. cit.y p. 66).
70 Accepter le fait de la supśrioritć occidentale, tout en la limitant k une supćrioritć scientifique et technique, est d’ailleurs une attitude commune des socićtśs traditionnelles, dćpassćes par TEurope en ce qui concerne le progres matćriel. V. dans ce sens les observations. justes de H. Butterfield, The origins of modern science 1300 — 1800, Londres, 1957, p. 179.
71 V. C&ndea, L’humanisme d'Udriętc N&sturcl et Vagonie des letlrcs slaoonnes en Va-lachie, dans «RESEE 6 (1968), pp. 239 — 287.