13 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPEEN (XVIle s.)
a laąuelle les sentiments de 1’Enrope a 1’śgard de la culture et du peuple turcs sonten voie de transformation, prets ase muer en estimeet sympathie. Du moment ou 1’Empire ottoman cesse de reprśsenter un pśril pour le cońtinent, pour devenir un dśbouchś intśressant pour son commerce et un pion utile dans la politiąue orientale des Grandes Puissances, les savants trouvent une raison et les moyens de complćter leurs ćtudes. orientales avec une zonę peu ou mai connue jusąue la. Cette mutation a lieu vers le dernier quart du XVII* siecle 21.
L’avantage des impressions laissóes par les yoyageurs śtrangers rćside dans leur caractóre de documents reflćtant les contacts entre les ciyilisations qui s’śtaient tenues jusqu’alors & distance. Le dśfaut de cette littśrature est sa valeur inśgale due aui difficultćs objectives et subjectives rencontrćes par les auteurs, comme la difficultó de 1’infor-mation et l’incapacitś de saisir les traits essentiels de socićtós qui leur sont totalement ćtrang&res. Ainsi, un yoyageur de 1650, A. Poulet, signale la difficultó qu’il ćprouve a s’informer, «aprós mille relations qui ont ótó faites d’une infinitć de personnes qui ont passó ... et la plu-part desquelles en ont rien dćcrit que des choses imaginśes, rćcitśes ou mai expliqućes», car «les yoyageurs prennent plus les remarques de nos livres que ce qu’ils ont vu dans les pays ćtrangers »22. Le sys-teme des «voyages a la plume» est, du reste, fort rćpandu au cours des XVI* — XVIII* siecles et c’est a juste titre que les auteurs plus rć-cents invitent a la prudence23. Le fait a ótó relevś au dóbut du XIX*
21 Pour cc changement d*optique des yoyageurs europćens, voir les ćtudes dc R. W. Franz, The English traueller and the mouement of ideas, 1660—1732, Lincoln, Nebraska, 1934 ct de G. Atkinson, Les relations de uoyages du XVII* siłcle et Uiuolution des idiesy Paris, 1924. Cette vision avait 6tć prćcćdće de celle nettement ćlogieuse — mais naturellement peu objective — de certains auteurs du XVIC sifccle(Machiavel, Paolo Giovio ou Jean Bodin), qui louent la bonne administration, la disciplinc militaire et 1’esprit de tolćrance qui rćgnaient dans PEmpire ottoman (cf. Paul Coles, op. cit.f pp. 145 — 153).
22 A. Poulet, Nouuelles relations du Leuant, t. I, Paris, 1667, pp. I—II; t. II, Paris, 1668, p. 420.
23 Democratia Hemmerdinger Iliadou, La Crbte sous la domination ućnitienne et lors de la conąuite ottomane (1322—1684). Renseignements nouueauz ou peu connus d*aprłs les płlerins et les vogageurs9 dans « Studi veneziani *, 9 (1967), Venise, 1968, p. 535 sqq. Com-mentant les opinions de Poulet ou de de Tott, Tauteur relfcye (pp. 536 — 537) le caractfere partial et souvent inexact des informations des yoyageurs, qui en gćnćral imaginent les faits ou compilent tout simplement les relations antćrieures. Un ouvrage caractćristique & cet ćgard est *Le uoyageur franęais », par Uabbi Joseph Delaporle, que N. Iorga a rććditć (Bu-carest, 1940) dans la traduction moldave de 1785, en soulignant que «l’auteur n’a voyag6 que la plume & la main, que le plus souvent ii ne sait pas grand-chose des pays dont il parle et qu’il les fait connaltre d’aprfcs des yoyageurs antćrieurs, c'est-&-dire fort mai * (op. cit.y pp. 7 — 8). En 1675, Andrć-Georges Guillet inventa un Sr. de la Guilletifcre pour son ouvrage Athlncs ancienne et nouuelle, et Testat prisent de Tempire des Turcst Paris; le pro-cćd6 ćtait assez rćpandu pour fournir la substance de la notę de Hans Lewy, Imaginary journeys from Palestine to France, dans « Journal of Warburg and Courtaines Institutes > 1 (1937), pp. 251—253. Ajoutons que dans Pautre camp les relations de voyage ne sont pas, plus dignes de confiance : le * reporter * turc par excellence de cette 6poque, Evliya Tchelebi, n’a guere visit6 toutes les rćgions qu,il dćcrit; quant & la valeur des donnćes par lui consi-gn6es, voir les obseryations de Fr. Babinger, Euliyd Tschelebifs Reisewege in Albanien, dans
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