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altercation survenue lors des obseque$ de Charles V, FUniversite de Paris intente un proces au prevót de Paris Hugues Aubriot. Accuse <f heresie, desavoue par le pouvoir, celui-ci est condamne le 17 mai 1381 par le tribunal de Teveque et jete en prison. Michel Pintoin, qui rapporte cette afFaire avec passablement de details, brosse un portrait peu flatteur de Pofficier dechu: "Issu d’une familie peu considerable [mais neanmoins noble], [...] c’etait un homme peu distingue par son eloquence et par son savoir, et qui ne paraissah pas tres apte aux affaires du monde"101, bref un incapable. Ce jugement negatif reflete assurement Popinion dominantę au sein du milieu universitaire parisien, dont le chroniqueur se fah tres souvent Fecho102. En tout cas, les qualites exigees par le Religieux des administrateurs et des officiers royaux rejoignent celles de Yalma mater: dans un rotulus presente aux Etats generaux de fevrier 1413, PUniversite deplore que les maitres des requetes de PHótel du roi ne soient plus, comme par le passe, des "wri prudenies. erperti. sciencia atąue facundia clań" (IV, 760).
Pour le Re!igieux de Saint-Denis comme pour les maitres parisiens, le juriste doit donc se distinguer, entre autres choses, par son eioquence. □ lui faut tout d’abord posseder une voix claire et sonore, de maniere a etre bien entendu de tous les assistants. En mai 1314, Jean du Fresne, greffier de la cour du Chatelet, mvir utiąue litteratus et facundia clarus", est charge de lirę Halte et intelligibiliter", devant le Pariement, les 258 articles qui composent Pordonnance de reforme dite "cabochienne,, (V, 52). Le 4 fevrier suivant, messire Jean Juvenal, recemment nomme chancelier du duc de Guyenne apres une brillante carriere d’avocat au Parlement103, se rend en place de Greve ou il publie, "a la maniere d’un heraut" (qnasi voce preconia), devant les princes, les conseillers du roi et les notables de Paris, les lettres par Iesquelles son maitre interdit au duc de Bourgogne et a ses gens de guerre d'approcher de la capitale (V, 238)104.
101 "\fediocri siąuidem parentela ortus. [...] eloąuencia neque sciencia clarus> nec temporalibus aptus multum vtdereturm (l, 98).
102 L hostilite dc rUnivcrsite emers Hugues Aubriot remonte a la fin du regne de Charles V: c est en effet le prevóL fenem partisan de Clement VII. qui se charge ak>rs de contraindre les facultćs a se rallier a la position adoptee par le ConseiL qui a cboisi de soutenir le papę d*Avignon. En se dćbanassant de cci adversaire encombrant, les universitaires esperent fairc flćchir la politiąue franęaise a Pegard du Grand Schisme. Voir F. Autrand. Charles VI, pp. 76-78. Ce n est d ailleurs pas la premiere fois (ni la demierc) que rUniversitć a des demeles avec le prevót de Pans et ses sergents: voir J. Verger et C. Vulliez. "Crise et mutations des unhersites firanęaises a la fin du Moyen Age". p. 117.
103 Cette nomination a foumi a Michel Pintoin Poccasion de vanter les mćrites de ce mvirurn utiąue scientificum, facundum, et ex generosis proauis ducentem originem [Jean Juvenal est noble], ąui diu causas regias criminales magnifice peromaverat in Parlamento regalim (V, 142).
104 Une des taches des herauts (precones) ou crieurs publics est de publier. dans les carrefours et les places publiąues des villes, les ordonnances royales ou prinderes, les jugements des tribunaux, etc.