CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE 587
Des lors, le fondement de la poursuite reside dans le fait de ne pas avoir obtenu une autorisation avant d’entreprendre une construction, et non dans le fait que cette autorisation ait ete refusee.
II est relativement rare qu’au niveau de la Chambre criminelle de la Cour de cassa-tion l’existence d’un permis tacite soit invoquee dans les moyens des pourvois. C’est pourquoi cela merite d’etre signale.
La raison principale a cette rarete tient a ce que les permis tacites sont eux-memes tres exceptionnels, puisqu’ils ne representent, quand ils sont possibles, qu’environ 3 % des permis de construire (cf. D. Labetoulle, Le permis de construire, PUF, Coli. « Que sais-je ? », 1982).
II n’empeche que Pexistence d’un permis tacite a ete, d’ailleurs vainement, invo-quee dans deux affaires jugees par la Chambre criminelle le 1CT mars 1990 (aff. Vidal, non publiee) et le 8 mars 1990 (aff. Azoulay, non publiee).
Le premier de ces deux arrets illustre la possibilite du retrait d’un teł permis pour cause d’illegalite, alors que le second illustre l’un des cas d’exclusion de la naissance d’un permis de faęon tacite.
a) Dans 1’arret du ler mars 1990, il s’agissait d’une personne qui avait presente une demande de permis de construire d’un hangar pour les besoins de son exploitation agricole. Ce permis lui avait ete refuse en raison de Timportance du projet, qui ne correspondait pas a la surface de l’exploitation. Mais la notification du refus etant faite hors delai, le petitionnaire pouvait, conformement a 1’article R. 421-12 du codę de Purbanisme, pretendre a l’existence d’un permis tacite.
Bień que la Direction departementale de Pequipement lui ait adresse, dans le delai du recours contentieux, une notification de retrait, Pindividu construisait le hangar, ainsi d’ailleurs que d'autres batiments, et utilisait Pensemble des locaux pour l’exploitation d’un club de tennis, alors que le plan d’occupation des sols interdisait dans cette zonę la creation d’aires de jeux.
Le pourvoi reprochait a la cour d’appel de ne pas avoir contróle la legalite du retrait, ni d’avoir recherche si ce retrait avait ete prononce par le maire, seule autorkę habilitee a en decider.
Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation constatait, d’une part, que la regula-rite du retrait du permis tacite avait ete admise et non contestee en cause d’appel, et que, d’autre part, les infrastructures sportives avaient ete edifiees en vio!ation des dispositions legałeś (sarn demande speciale prealable) et contrairement aux disposi-tions du POS.
Malgre la condamnation qui est intervenue dans cette affaire, de meme que 1’ordre de demolition, ce cas d’espece est revelateur des « deviations » dont sont menacees les zones classees N.C. dans les POS. Par souci de protection des agriculteurs, les Directions departementales de Pagriculture et de la foret ont fait admettre depuis longtemps qu’il ne fallait pas inscrire de coefficient d’occupation des sols pour les zones agricoles, en considerant que la vocation agricole des constructions et l’evaluation des besoins de l’exploitation agricole constituaient des instruments de contróle sufTisants.
Mais ces espaces libres a la peripherie des villes sont objet de convoitises de la part de non-agriculteurs, ou meme de la part des agriculteurs qui envisagent leur reconver-sion. Un hiatus dans la procedurę peut, comme c’etait le cas en 1’espece, laisser pas-ser un delai et voir se construire un hangar soi-disant agricole qui se transforme en gymnase !
Rev. sciencecrim. (3), juill.-scpt. 1990