CHRONIQUE PENITENTIAIRE 613
Le seul pouvoir du juge est, par decision speciale et motivee, de ne pas revoquerou de ne revoquer que partiellement c’est-a-dire de prendre une decision plus favorable au condamne. Mais la se pose une question delicate : le juge peut-il prendre cette decision de sa propre initiative ou ne peut-il que repondre a une demande en ce sens ema-nant de Pinteresse ? En commentant un arret de la Chambre criminelle du l" octobre 1987 (Buli. crim. n° 325, p. 873) M. Vitu aflirme que la juridiction ne peut fairebarrage a la consequence de la revocation que s’il lui est presente une demande expresse : « L’octroi de cette faveur merite plus qu’une decision prise a Pimproviste, sans qu’un debat se soit instaure sur son opportunite ou son utilite ; or ce debat postule une requete du prevenu » (cette Revue, 1989.95). Cette solution a depuis ete confirmee par une autre decision de la Cour de cassation en datę du 14 fevrier 1989 (Buli crim. n° 73, p. 198): « Le sursis est revoque par le simple effet de la loi et les juges n’etaient saisis d’aucune demande de dispense de revocation... En disant n’y avoir lieu a dispense de revocation, ils ont excede leurs pouvoirs ». On a un peu Pimpression a la lecture de ces arrets que les magistrats de la Cour supremę reprochent aux juges du fond tout simplement d’etre des bavards, soit en prononęant une revocation qui 1’est deja, soit en refusant une dispense qu’on ne leur a pas demandee. Les bavards comme de mauvais eleves peuvent subir des coups de « regles » ... sur les doigts.
II resulte en tout cas de cette jurisprudence que les pouvoirs du juge sont ici fort limites. II ne peut ni prononcer une revocation, ni prononcer une dispense en Pabsence de demande. II est donc invite a ne rien faire.
Naturellement le tribunal devra repondre aux demandes de dispense de revocation. Et de deux choses Punę : ou cette demande est contemporaine a la procedurę abou-tissant a la nouveIle condamnation ou elle est independante et posterieure.
La procedurę conduisant a la dispense ou au refus de dispense contemporaine a la nouvelle condamnation doit avoir un caractere public (Crim. 19 mai 1981, Buli crim. n° 164, p. 463). 11 a aussi ete juge qu'au cas d'appel limite a la disposition relative a la revocation du sursis la Cour doit statuer en audience publique et non en chambre du conseil (Crim. 4 fevr. 1985, Buli. crim. n° 53, p. 143).
Mais si la demande de Pinteresse est posterieure a la nouvelle condamnation, ce qui est autorise par Particie 735 alinea 2 du codę de procedurę penaie, la procedurę prend un autre visage : les regles de competence et de procedurę sont celles des articles 55-1 alinea 2 du codę pena! et 703 du codę de procedurę penaie. C’est alors la procedurę de relevement qui s’applique et la juridiction devra statuer en chambre du conseil. Si le tribunal statuait ici en audience publique, la decision serait susceptible d’annulation.
b) 57/ s’agit maintenant d’un sursis avec misę a l’epreuve, les pouvoirs du tribunal apparaissent plus importants. On a rappele plus haut que la nouvelle condamnation n’entraine pas la revocation, mais le juge peut la prononcer ou decider d’une execu-tion partielle (art. 744-3 c. pr. pen.). Meme s’ils sont inverses, les problemes sont semblables a ceux du sursis simple : le juge peut-il agir d’ofRce ou seulement sur demande du procureur de la Republique ? Et quelle procedurę doit etre suivie ?
II semble bien d’abord, par analogie avec ce qui a ete juge pour le sursis simple, que le juge n’a pas le pouvoir de prononcer la non-revocation puisque cette absence de revocation est automatique sous reserve d’une decision contraire.
II semble aussi que le juge ne peut pas prononcer la revocation totale ou partielle s’il n’est pas saisi de requisitions en ce sens. La question n’a pas encore ete soulevee en jurisprudence, mais notre collegue A. Vitu a bien vu le probleme et propose une solution parallele a celle donnee pour 1’autre type de sursis, c’est-a-dire la necessite d’une demande du parquet conduisant a un debat contradictoire (V. A. Vitu, obs. prec. et J. Larguier, cette Revue, 1981.603). Et la decision de revocation, par defmi-tion defavorable au condamne, doit etre motivee.
Reste a determiner sur ce point la procedurę a suivre. C’est sur cette question qu’a statuę la Chambre criminelle le 5 juin 1989 dans TafTaire evoquee au debut de cette chronique. Selon le pourvoi, la decision ordonnant l’execution de la peine assortie du
Rev. science crim. (3), juill.-scpt. 1990