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un role majeur dans la transmission de ce «passe consigne» en cant que fondement d’une nouvelle identite collective14.
Ces conclusions issues d'analyses portant sur rinterpretation de 1'histoire rejoignent celles qui, depuis plusieurs annees dej&, dćnoncent le «syndrome patrimonial» dans son ensemble. Dans la foulee de ces incontoumables ouvrages de Marc Guillaume, Franęoise Choay et Henri-Pierre Jeudy, des chercheurs ont brossć un sombre bilan de cette action de constitution et de production monumentale15. L'arbitraire des actionsdeclassementaccentue parl’intervention massive de 1 'Etat aurait oblitere la naturę mnćmoniąue du monument. Celui-ci n'existant a priori que par reconnaissance collective de valeurs symboliques, serait pourtant edifie a partir d’imperatifs economiques ou scientifiques. L’appel de Luc Noppen et de Lucie K. Morisset pour la reconnaissance du caractere intrinsequement subjectif du monument, de son «intentionnalite monumentale», s’accompagne de la prćsentation d'un modele systematique de reconnaissance, dćfinissant des valeurs monumentales qui retabliraient le rapport entre la mythologie d'un lieu et sa misę en formę materielle en consacrant son role identitaire Cette reconnaissance de la naturę construite du monument historique et du phenomene eminemment identitaire qui gouveme sa consecration apporte d’ailleurs des elements de solution au sein d’une reflexion en cours sur le role des specialistes du passe dans la pratique patrimoniale et museale. Des constats recents ont debouche sur une «incompatibilite» de la pratique scientifique avec la pratique museale ou l'intervention patrimoniale partant du fait que les specialistes du passe engages dans ces applications concretes de leur savoir seraient forces de jouer le jeu des reinterpretations nostalgiques du passć et de la fabrication d’identites. A 1'instar de Noppen et Morisset, Michel Rautenberg et Mauro Parressini proposent d’abord de distinguer le patrimoine institutionnalise. classe 4 partir de criteres scientifiques et administratifs, et le patrimoine social ou ethnologique, qui acquiert sa
14 Voir principalement Jocelyn Ldtoumeau, «La production historienne courante portant sur le Quźbec et ses rappons avec la construction des figures identitaires d’une communaute communicationnelle», Recherches sociographiques, vol. XXXVI, no 1 (1995), pp. 9-45.
15 Marc Guillaume, La politiąue du patrimoine. Paris, Galilće, 1980, 196 p.: Franęoise Choay, Lallegorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992.245 p.; Henri-Pierre Jeudy. Memoires du social, Paris, P.U.F., 1986, 171 p.: Henri-Pierre-Jeudy, dir., Patrimoines en folie, Paris, Ćditions de la Maison des Sciences de Thomme, 1990,297 p.
16 Luc Noppen et Lucie K. Morisset, «De la production des monuments. Paradigmes et processus de la reconnaissance», dans Laurier Turgeon, Jocelyn litoumeau et Khadiyatoulah Fali, dir., Les espaces de /'identite, Qućbec, P.U.L, 1997, pp. 23-52. Luc Noppen et Lucie K. Morisset, «Edifier une mćmoire de lieux en recyclant l'histoire. Usages et fonctions du passe dans l’architecture actuelle», dans Jacques Mathieu. dir.. La memoire dans la culture, Quebec, P.U.L., 1995, pp. 203-233. Pour des applications concretes de ces idćes voin Lucie K. Morisset, Luc Noppen et Claude Cormier, Patrimoine du ąuartier Saint-RocL Rapport de nnthese, Quebec, Ville de Quebec, 1996,133p.