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aux enormes sourcils noirs qui tortille sa brima, rajuste son turban et soufTIe avec force; ses camarades le contemplent, balancent les ćpaules, reniflent et sMnstallent a 1’aise pour ecouter leur porte-parole (les fellahs veulent vendre des troupeaux a Jos) (...]. - Tu es (en s’adressant a Jos) 1’ami des musulmans; on affirme qu’au fond du coeur tu n’es plus roumi, car un marabout, un ouali suscite par Dieu, t’elut entre mille pour etre son khalifa. Indique a tes esclaves une voie agreable a Dieu! (...] - Ecoute! Sois genereux pour les musulmans, et Dieu sera genereux a ton egard! Si tu n’accueilles pas notre requete, nous n’achćterons pas le betail de nos freres qui, sans argent, mourront de faim avec lui!121
Mais Kaddour reste intransigeant et il laisse «[...] se retirer les fellahs avec de graves reverences, des claquements majestueux de bumous.»122 De meme dans une salle de la commune mixte, les reprćsentants de 1’administration franęaise ecoutent les plaintes des paysans contrę le Ser-vice des forets:
Hommes a barbe grise, les paysans ont la misere impassible; le teint boueux, les membres decharnes, le burnous crotte n’attenuent en rien la noblesse de 1’allure; ils puent la faim et la vermine. L’un apres 1’autre, laissent choir dans le vestibule leurs socques ferrees, et rangent leurs longs batons de pasteurs. Debout devant Cassard, ils attendent muets, qu’il les interroge.,Ł}
Ces gens si appauvris ne perdent rien de leur dignite comme si cette misere n’ćtait pas de leur faute, d’ailleurs, a la page suivante, le narrateur dćfinit les relations coloniales comme «[...] le rćgne de 1’incompć-tence».124 Toujours dans leur pose majestueuse, mais en meme temps des solliciteurs qui dependent en tout de leurs maitres : «Ils se precipitent pour lui baiser les mains (a Cassard, ancien fonctionnaire)»125; les fellahs ont ete mis dans la situation d'etres pas encore murs pour assumer leur role social; a la question formulee: «- Qui etes-vous?», ils repondent: «Nous sommes tes enfants, [...] nous sollicitons de Dieu et de toi la permission de parler.»126 Cette image de 1’Arabe-enfant n’est pas frequente dans la litte-rature et l’iconographie coloniale, c’est le Noir qui
m Ibid., pp. 216 et 217. ,Ił Ibid., p. 220.
,u Ibid., p. 240.
124 Ibid., p. 241.
125 Ibid.
126 Ibid.