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tance. Le voyageur s’inscrit dans le contexte, accentuant son role, se rćflć-tant dans de nouveaux paysages,
son refus de peindre, son dćsir de saisir la vie dans ses moindres instants 1’ont amenć a depasser les formes tradionnelles de l’exotisme littćraire, qui tendaient a s’user, redonnant une part de libertć aux etres de passage que de prestigieux voyageurs, ou des touristes presses, avaient rćduits au role de figurants.212
L’esthetisme gidien tisse sa prose presque poetique de ses enchantements et desenchantements africains qui changent en fonction de sa «disposition» interieure ou physique, ou bien du climat. Au debut de Mopsus, Gide s’enthousiasme :
Beau pays desire, pour quelle extase et quel repos vas-tu repandre ah! ton ćtendue, sous la chaude lumiere dorće. On s’arrete; on attend, on regarde. Un monde different apparait; etrange, immobile, impassible, decolore. -Joyeux? non; triste? Non : tranquille.
Le voyage en Afrique du Nord (ici la Tunisie) semble assouvir le desir gidien de la difference ou non seulement tous les penchants illicites peuvent se realiser, mais ou l’on peut aussi apaiser le besoin de certitude qui n’est jamais satisfait mais seulement adouci par la tranquillite ou plutót par 1’harmonie arcadienne des sons et des bruits comme ceux d’El Kantara :
Un bruit de flute; un geste blanc; une eau doucement chuchotante; un rire d’enfant prós de l’eau-puis rien; plus une inquietude et plus une pensee. Ce n’est meme pas du repos : ici jamais rien ne s’agite. II fait doux. - Qu’ai-je voulu jusqu’a ce jour? De quoi m’etais-je inquietć? [...] Pays cios, tran-quille, Arcadie!... J’ai trouve le lieu du repos.214
A l'epoque de ses voyages en Afrique du Nord, le probleme colonial ne Tinteresse pas, il est encore loin de son engagement politique des annees vingt, du temps du voyage au Congo et au Tchad. Le desert, la lumiere, les jardins, les beaux garęons, les idylles amoureuses, on oublie que Gide se trouve sur un territoire occupć par la France. Attaquć par des critiques, il s’explique dans une courte introduction du Renoncement au voyage:
2,2 Ibid., p. 19.
213 A. Gide, Amyntas, Gallimard, 1925, p. 11. 2,4 Ibid., p. 12, 15.