L'objet de cc livre est d’ćtudier de faęon precise et systćmatique les relations entre le vignoble et son terroir. Les auteurs se sont rendus sur le tcrrain et ils ont parcouru, dans toutes les grandes regions viticoles de France, une cinquantaine d'itinćraircs au cours desquels ils ont cherchć, sous les vignes, les roches dont Falteration est a 1’origine des sols nourriciers. II fallait, pour conduire une telle demarche, une equipc de geologues qui soient aussi des cenologues. Grace en particulier au BRGM, vingt-cinq auteurs ont etć reunis, qui possć-dent non seulement, et a un haut degre, les deux qualites recher-chees, mais qui sont de sureroit photographcs, historiens et contcurs. De leur collaboration est rćsulte un livre passionnant, qui nc peut laisser personne in-different, meme pas les buveurs d'eau.
Mon propos n'est pas de resu-mer un livre qu’il faut lirę de bout en bout, et relire par petits bouts. Je voudrais seulement donner un aperęu du dernier cha-pitre, ou les auteurs rivalisent de vcrve et d’erudition.
Ccst ainsi que des barrieres ayant ćte etablies par Louis XIII, ou le vin apportć a Paris devait payer des taxes, les «guinguet-tes» s'etaicnt installees au dela de ces barrieres, dans les quar-tiers de la Pologne (Saint-Lazare), des Porcherons (La Tri-nite), dc la Nouvelle France (Notre-Dame dc Lorette), de la Courtille, etc. Pour eviter les taxes, les cabaretiers installes en deęa des barrieres imaginerent des moyens varies, par exemple le creusement de canalisations souterraines (Punę d’elles attei-gnit 400 toises), ou le lancement de ballons lestes.
On nous parle aussi des vigno-bles perdus, dans la region pari-sienne et dans le Lyonnais.
«Sous la pression de la de-mande, le vignoble desccndit des coteaux parisiens vers les plaines (piat pays), tandis que le gamay, plus productif, se substituait aux cepages nobles. Ce fut, au XVIiie sićcle, le debut de P« avilis-sement » du vignoble (Dion, 1959) qui se poursuivit au XIXC sićcle, avec des rendements atteignant, a Argenteuil, jusqu’a 200 hectolitres a Phectare, sur des terres fortement engraissees par les gadoues parisiennes (La-chiver, 1982). II en rćsultait des vins mediocres, tels le Pieolo (ou Piccolo) d'Argenteuil, le Petit Bleu de Suresnes et le Ginglet des coteaux de Cergy et de PHautil.
Alors que le vignoble langue-docien etait atteint des 1863 par le phylloxcra, la region parisienne produisait encore 84 millions d'hectolitres en 1878; paradoxa-lement, l’attaque du phylloxera accorda un regain de vitalite au vignoble parisien protege par le desert viticole de la Beauce (les premiers insectes n'atteignirent Arpajon qu’en 1886). Mais le chemin de fer allait plus vite que le phylloxera et lc vignoble de Pile de France «qui avait sur-vecu a tous les insectes, a toutes les maladies cryptogamiques, et qui s'appretait a surmonter la crise du phylloxera ne pouvait rien contrę le vin a 10 F 1’hecto-litrc, rendu a Paris» (Lachiver, 1982). La surproduction des vins du Midi, qui culmina avec la crise de 1907 et reffondrement des cours qui en resulta fit « qu'il ne reste aujourd’hui que d’infi-mes vestiges du grand vignoble ou, durant quinze sićcles, słcst reflćtće, sous quelques-uns de ses aspects majeurs, Thistoire politi-que et sociale de la ville de Paris » (les vignobles, musees de Montmartrc, de Suresnes et d’Argenteuil).
Quant au Lyonnais :
«On peut constater, avec G. Durand (1979), que les vignobles s’ćtendent selon trois stratćgies ; autour des agglomerations consommatrices et des proprićtai-res, ils sont circulaires (c’est le cas des plus anciens); plus tard, la formę d’extension est lineaire, au long des vallćes et des axes de communication locale, sur les versants bien exposes (Azergues, Brćvenne, Gier, Condrieu) ; en-fin, l’extension est interstitielle, c'est-a-dire qu’elle utilise tous les sites favorables, si la demande a l’exportation lointaine domine.
11 ne reste aujourd’hui que quelques points dłancrage dc 1’ancien vignoble lyonnais : Mil-lery, Saint-Laurent-dfAgny, Sain-Bel et, bien entendu, Condrieu, vers le sud. Ce dernier corres-pond k 1’appellation « Cóte-Rótic ».
II n’y aurait plus la possibilite d'etancher la soif des Lyonnais, si le troisieme fleuve de la ville, le Beaujolais, n'avait, au fil du temps, augmente considerable-ment son debit en coulant paral-lćlement a la Saónc... »