On retrouve ce meme esprit de tolerance dans le document d’orientation (Green paper) du ministere du Commerce et de 1’Industrie britannique (Department of Trade & Industry — DTI) sur les pratiques commerciales restrłctives 1.
A propos des « restrictions verticales quł limitent les conditions auxquelles un acheteur (par exemple un detaillant) peut acheter, vendre ou revendre », le DTI observe qu’ « en generał, ces accords peuvent accroTtre Tefficacite au benefice de tous les consom-mateurs, sauf dans les cas ou il existe des barrieres a 1’entree des marches de la fabrication ou de la distribution (...). Tant qu’il y a effectivement concurrence horizontale (...), la reduction de la concurrence intra-marque induite par ces pratioues n est pas preoccupante ».
La « concurrence intra-marque », dans le cas du livre, signifie la concurrence entre les distributeurs d’un meme ouvrage. Si le prix impose ne figurę pas dans les pratiques citees par le DTI, on a vu dans la section 1 que la theorie economique 1’inclut au nombre des restrictions verticales.
Cette citation du DTI comporte un autre element n >uveau des politiques publiques en matiere de pratiques restrictives: le degre d’ouverture du marche. Dans un article fondamental de 1982, Baumol a montre que la capacite d’une firmę ou d'un cartel a exploiter une position de monopole sur un marche dependait de Pexistence de barrieres a 1’entree de nouvelles entreprises. Les seules barrieres efficaces sont celles qui ne peuvent etre fran-chies qu a condition d’investir des sommes irrecu-perables (le fameux «ticket a 1’entree ») en cas de retrait du marche. Les marches de ledition et de la librairie sont des marches ouverts: on peut assez facilement y entrer et en sortir. Si les editeurs et les libraires realisaient d’importants benefices d’exploi-tation ou, hypothese plus realistę, operaient sur un marche inefficace caracterise par des couts inutile-ment eleves, qu’est-ce qui empecherait d’autres societes d’entrer sur le marche et de faire les choses differemment ? On pense immediatement aux grou pes de presse qui peuvent utiliser les systemes de distribution-magazine et vendre par le canal des reseaux cables et des supermarches.
La notion de permeabilite des marches a ete intro-duite dans les politiques antitrust americaines, par exemple dans les Directives sur les fusions. Elle est egalement presente, on Ta vu, dans les positions du gouvernement britannique. C’est a ce jour moins evident dans la politique communautaire.
La position de la CEE sur le prix impose n’est pas tres claire. Dans une communication au Conseil de 1985, la Commission a examine certains des points souleves par la resolution du Parlement Europeen en faveur du prix fixe du livre. La Commission a propose des Solutions altematives d’encadrement communautaire des systemes de prix, parmi lesquel-les figurait Tinstauration dans 1’ensemble de la Communaute d’un systeme de prix impose ou de prix unique. Cette proposition tend a reconnaitre de faęon explicite que les livres constituent une excep-tion a 1’interdiction generale sur les prix fixes.
Mais dans sa recente decision sur les elements transnationaux du NBA, la Commission, si elle evite toute condamnation du prix impose dans le cas ou celui-ci est applique par des entreprises individuel-les, observe oup les conditions types de vente du NBA restreignent la liberte des editeurs a modifier les conditions regissant la vente des ouvrages regle-mentee. Cette position presente une difference considerable avec celle du Registrar of Restrictive Practices de 1962, qui reconnaissait que le NBA etait necessaire a 1’application du prix impose mais dirigeait ses critiques sur le principe meme d?un prix impose pour les livres.
Les explications donnees par la Commission sur sa decision peuvent induire en erreur. Le communique de presse officiel affirmait en effet que cette decision augmentait les possibilites de concurrence par les prix dans le secteur du livre. On se demande en quoi, si, dans le meme temps, on considere que le Nba n'est pas indispensable a 1’application de prix imposes librement determines par les editeurs ?
La decision de 1982 sur 1’affaire VBBB/VBVB concernant les effets des accords de prix imposes sur les echanges entre la Belgique et les Pays-Bas permet de preciser la position de la Direction de la Concurrence de la Commission sur le prix impose. Dans lexplication de cette decision, la Commission a remis en cause le principe meme du prix impose, et en particulier, celui de la perequation. Trois phrases de cette explication sont particulierement
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Department of Trade and Industry, Review of Restńctiue Trade Practices Policy —a consultatiue document, Cmd33l, HMSO, Londres. 1988.