par l’expśrience acquise depuis la fin de la guerre, que la productivitś avait augmente un peu plus en moyenne, dans le secteur agricole que dans le secteur industriel.-Ne discernant pas de renversement de tendance, ils estimerent qu’un abaissement reel du niveau des prix agri-coles allemands ne pouvait qu’accślerer ce processus d’adaptation sans pour autant lui conferer une autre qua-lite. Les petites exploitations precisement, qui, en prin-cipe, auralent fortement pati d'une rśduction des prix, ne seraient guere affectees par des fluctuations de prix, vu le faible volume de leur production destinee a la com-mercialisation. C’est pourquoi les professeurs estimerent qu’il fallait en premier lieu donner une impulsion a la poli-tique des structures agricoles pour que se constituent des exploitat'ons plus rentables.
lis estimerent au demeurant qu’il fallait, d’une manierę gśnśrale, orienter tous les efforts dans cette direction afin d’exploiter au maximum le potentiel existant pour accroitre la productivitś dans le secteur agricole. Cela les amena & insister sur le role que pourrait jouer une politique rśgionale d’accompagne-ment (25) qu’il convenait, selon eux, de considśrer comme la condition indispensable au succśs de la politique agricole.
Des juillet 1958, a Stresa, le vice-prśsident Mansholt avait affirme : « Naturellement, la politique des prix agricoles constitue un ślśment important de notre politique du marchś. Cependant, c’est Iś un instrument dangereux. » (26) Tous les participants & la conference prirent au serieux cet avertissement pressant. De ce fait, la Commission ainsi que des observateurs indś-pendants estimerent que le choix d’un niveau de prix moyen n’śtait pas exempt de risques car les hausses de prix importantes qui en rśsulteraient, en France par exemp!e, ne manqueraient pas de stimuler la production. Dans ce pays, en effet, le secteur agricole occu-pait encore un cinquiśme de la population active, soit prśs du double du rapport constatś en Rśpublique fśdśrale d'Allemagne. En revanche, la surface vivriere par habitant atteignait deja plus que le triple de celle de la Rśpublique fśdśrale d'Allemagne et il existait un potentiel considśrable de terres en friche qui, selon les calculs des experts, śquivalait ś la superficie totale de huit dśpartements ou ś un bon tiers de la surface agricole utile de la Rśpublique fśdśrale d'Allemagne. Dans le cadre du quatriśme plan pour 1’śconomie, le gouvernement franęais avait programmś, pour la pś-riode de 1962 ś 1965, un accroissement de la production agricole śgal ś 30 %.
II allait donc de soi que la France, qui menait une politique agricole tout ś fait offensive ś tous les niveaux de la Communautś, voulut imposer, compte tenu des conditions initiales, une po!itique conęue en fonction de ces donnśes śconomiques. Non seulement elle pouvait se montrer plus convaincante dans la dŚfense de ses intśrets, mais encore ses arguments śtaient plus concluants. C’est ainsi que, dśs le mois de juin 1962, le ministre Pisani avait proposś au Conseil de
(25) Hans Molier et Hermann Priebe : - Regionale Wirtschaftspołitik ais Voraussetzung einer erlolgreichen Agrarpolitik », sśrio d'6tudes - Agriculture cahier n° 4. Bruxelles 1961.
(26) Sicco L. Mansholt, dans « Recueil des documents de la confó-rence agricole des Etats membres de la Communautó óconomiaue europćenne h Stresa du 3 au 12 juillet 1958 ». p. 113. A l ópoąue. dśjń. II parlait d’un degró d*auto-approvisionnement de la Communautó de 107% pour le sucre, de 102% pour le beurre et de 100% pour le fromage !
ministres de la Communautś de crśer une organisation mondiale des marchśs agricoles. Si ces propositions restaient sommaires quant aux dśtails, si elles appa-raissaient comme dangereuses quant k leur orientation (M. Pisani s’efforęait de combiner le problfeme des excśdents avec i'aide aux pays en dśveloppement), leur motivation n'en ressort pas moins clairement : il s’agissait de trouver, pour le potentiel de production inutilisś, en particulier celui du sol franęais (c’est-&-dire les cśrśales), des possibilitśs d’exploitation non com-merciales & 1’śgard desquelles on suspendrait le role rśgulateur du prix. Cette initiative n’eut, par la suitę, aucun aboutissement concret. Pour une politique vi-sant & aligner le niveau de prix communautaire sur le prix — ślevś — des cśrśales en Allemagne, avec toutes les consśquences qui pouvaient en rśsulter pour la croissance śconomique, 1’inflation, le com-merce extśrieur, enfin et surtout pour les finances de la Communautś, un systśme aussi fermś n’śtait pas envisageable.
Comparśe ś la position de TAIIemagne, qui ne saurait etre qualifiśe que de dśfensive, cette politique agricole de type offensif menśe par le ministre de 1’Agriculture Pisani (lequel ne bśnśficia pas toujours du soutien inconditionnel du Prśsident de Gaulle) montra clairement quel śtait 1’ślśment actif dans la Communautś. Du point de vue politique et psychologique, au demeurant, c'est sans doute en raison de ce comportement qu'on a tendance, aujourd’hui, ś rejeter la faute des śchecs ultśrieurs non pas tant sur les Allemands que sur les Franęais qui, par principe, se montraient toujours pressants.
Pourtant, le problśme avait depuis longtemps quittś le terrain des faits et de leur apprściation et, de plus en plus, 1’affaire avait pris un tour purement politique pour devenir une question de prestige. D’un cótś comme de 1'autre, les positions se durcirent. Ainsi, la Fśdśration allemande des agriculteurs lanęa ses trac-teurs dans des manifestations dirigśes contrę les professeurs et obtint que leurs crśdits de recherche fussent partiellement rśduits. Si on avait initialement sous-estimś les problśmes dans le cadre de la Communautś, on manifesta par la suitę une volontś inśbran-lable de s'en tenir a la position adoptśe. Du cótś franęais, on multiplia śgalement les menaces et les ultimatums.
A ce propos, il est intśressant de signaler que, dans le secteur industriel, il se passait exactement Cirwerse : la Rśpublicjue fśdśrale d’Allemagne rśussit, pour l'es-sentiel, ś imposer sa position qui śtait favorable ś la libśralisation et aux dścisions visant ś accślśrer la dśmobilisation douaniśre. Du cótś allemand, toutefois, on ne prit pas au sśrieux la nścessitś de progresser au meme rythme dans le secteur industriel et dans le domaine de la politique agricole, tout comme on avait dślibśrśment refusś de prendre en considśration le dynamisme potentiel de 1’agriculture franęaise. A au-cune de ces deux questions, la politique allemande n’avait alors fourni de rśponse pertinente.
De surcroTt, le gouvernement allemand ne parvint pas ś surmonter une contradiction interne caractśristi-que de sa politique agricole : un rśgime de droits ślevśs ś 1'importation pour protśger les productions agricoles allemandes et un rśgime libśral pour les produits transformśs d’origine animale. Le maintien de cette position eut pour effet que, de plus en plus, de
REVUE DU
MARCHĆ COMMUN, n° 305, Mars 1987
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