•*W« CV
larges pans de la production de transformation, qui śtait en plein essor et rśmunśratrice, śchappśrent k 1’agriculture allemande. De ce falt, les Pays-Bas, en particulier, furent en mesure de se tailler des parts de marchś considśrables. Faisant preuve de rśalisme, la Commission et les autres £tats membres s'employś-rent donc k rśtablir un certain śquilibre entre la pro-tectlon confśrśe k la production du sol et celle dont bśnśficiaient les produits transformśs.
Dśs 1959, le prśsident de Gaulle avait sommś le gouvernement fśdśral d’accepter k bref dślai un rap-prochement des prix des cśrśales. Dans les premiśres propositions qu'elle avait prśsentśes en novembre 1959, la Commission avait demandś que les prix natio-naux soient rapprochśs progressivement sur une pś-riode de six ans, ce qui devait entrainer un abaissement des prix les plus ślevśs et un relśvement des prix les plus bas dans la Communautś.
Vu les rśsistances du gouvernement allemand, les nśgociations' s’śternisśrent; la Commission ślabora donc de nouvelles propositions qui ne purent cepen-dant etre fondśes sur le principe du niveau de prix moyen des cśrśales. Dans son programme d’action relatif k la deuxiśme śtape, prśsentś en octobre 1962, elle avait confirmś son point de vue selon lequel « en raison des diffśrences qui existent entre les prix des produits agricoles dans les £tats membres, la rśalisa-tion d’un marchś commun agricole se heurte a l’ab-sence d’une politique commune en matiśre de prix. » (27) La crise de confiance qui gagnait peu k peu la Communautś et qu’avait dśjś alimentśe 1’śchec des nśgociations avec le Royaume-Uni a la suitę de la confśrence de presse tenue par le gśnśral de Gaulle le 14 janvier 1963 empecha śgalement, par la suitę, le Conseil de ministres de prendre rapidement des dści-sions pour rśsoudre ce problśme.
Le 14 janvier 1962, en revanche, aprśs une session marathon, le Conseil avait pris, dans le domaine de la politique agricole commune, la dścision de fixer un niveau commun des prix des cśrśales k la fin de la pśriode transitoire, c’est-ś-dire au 1ar janvier 1970 au plus tard. Le gouvernement allemand estima qu'il avait ainsi gagnś, une fois encore, un long rśpit. II esperait secrśtement que les tendances inflationnistes, qui se manifestaient notamment en France, permettraient d’avoir raison k terme des rśsistances de ceux qui, pour des raisons śconomiques, refusaient que le niveau des prix allemands soit appliquś a Pensemble des £tats membres de la Communautś.
A partir du dśbut de 1'annśe 1964, on s'efforęa, avec une vigueur renouvelśe, sur la base de propositions nouvelles prśsentśes par la Commission en novembre 1963, de rapprocher les prix des cśrśales en une fois, procśdś qui śtait apparu, lors des dśbats, comme la seule mśthode raisonnable du point de vue śconomi-que ; la tentative eut lieu au dśbut de la campagne 1964-65. La Commission avait assorti ses propositions de mesures de compensation financiśre, sous formę dśgressive, qui devaient profiter aux pays ou les prix śtaient restśs ślevśs. Le Parlement europśen avait approuvś ces propositions k une majoritś ścrasante et, k cet śgard, il avait notamment soulignś que l’ouverture imminente du « Kennedy round » n’śtait pas Punę des
(27) Mómorandum de la Commission sur le programme d'action de la Communautó pendant la deuxióme śtape. Bruxelles. 1962, p. 36.
moindres raisons pour lesquelles les six Etats membres devaient absolument se mettre d’accord avant tout sur leur politique agricole commune et, en particulier, sur le niveau des prix.
Sans vouloir exposer en dśtail le dśroulement des nśgociations qui eurent lieu pendant Pannśe 1964, je dirai cependant que la dśclaration que le Chancelier Erhard fit en mars 1964 devant le Bundestag allemand, k savoir qu’un rapprochement des prix des cśrśales śtait hors de question en 1964 et en 1965, donnę le ton de la position allemande. Aprśs cela, le gouvernement franęais durcit considśrablement sa position k Pśgard du gouvernement allemand. En suivant cette tactique dilatoire, le gouvernement fśdśral avait surtout agi dans la perspective des ślections qui devaient avoir lieu en septembre 1965 pour le renouvellement du Bundestag. Or, on ne se rendit pas clairement compte, k Bonn, que, compte tenu des ślections qui devaient se dś-rouler en France k la fin de 1965, le gouvernement franęais poursuivait un objectif diamśtralement opposś a celui de PAIIemagne. Une fois de plus, le gouverne-ment allemand nśgligea d’apprścier a sa rśelle valeur le danger que prśsentait meme un niveau de prix moyen pour les pays ou les prix des cśrśales śtaient jusque \k restśs peu ślevśs.
Entretemps, une autre question, k savoir la crśation d’une communautś atomique multilatśrale (FML) (28), śtait venue se greffer sur ce problśme interne k la Communautś qui en śpuisait largement, depuis 5 ans, les śnergies politiques, au point d’en arriver k entamer ses forces vives. Les ^tats-Unis avaient proposś cette organisation k leurs alliśs afin d'obtenir que, de cette maniśre, PEurope occidentale se sente davantage concernśe par la question de la sścuritś atomique. Ce faisant, le gouvernement amśricain cherchait surtout k s’assurer que la Rśpublique fśdśrale resterait insensi-ble a la propagandę menśe par le gouvernement franęais qui appelait a la crśation d'une force nuclśaire indśpendante. Le dśbat relatif au niveau des prix des cśrśales avait donc dśsormais pour nouvelle toile de fond, idśologique et tactique, le conflit entre les atlan-tistes et les europśens. Pour les hommes politiques franęais, la FML constituait une tentative de scission de la Communautś europśenne au niveau de ses fonde-ments et de son orientation politiques. Bień que, de nos jours, un titre tel que «le prix des cśrśales et la FML»> (29) ait de quoi surprendre, k Pśpoque, les interactions et les nombreuses imbrications de ces deux problśmes śtaient notoires.
Au dernier moment, cependant, le gouvernement allemand sut finalement inflśchir, en partie, sa position au sujet du prix des cśrśales. La Fśdśration des agriculteurs avait reussi k obtenir des aides nationales substantielles qui venaient s’ajouter aux paiements compensatoires deja prevus au niveau de la Communautś. Pourtant, le ministre Schmiicker, qui dśtenait alors le portefeuille de Pśconomie, s’śtait rendu aux nśgociations des 14 et 15 dścembre 1964 k Bruxelles avec la consigne la plus stricte de refuser son accord. Voyant que la situation śtait sans issue, il eut toutefois le courage politigue de prendre ses responsabilitśs et
(28) Pour le contexte. voir Hans von der Groeben. op. cit., p. 233 et suiv.
(29) John Newhouso : - Die Krise der EWG - dans « Die Internationale Politik 1964-65 ». annuaire de la sociótś allemande de politique śtran-g6re, Munich-Vlenne 1972, p. 251.
REVUE DU
MARCHĆ COMMUN, 305, Mars 1987
157