entreprise privśe (34). II en dśduit que la dścision de la Chambre des Lords dans 1’affaire « Garden Cottage » constitue un prścśdent pertinent et que l’ouverture d’une action permettant d’obtenir rśparation s'impose en cas de violation de 1'article 30, pour les memes raisons qu’en cas de violation de rarticle 86. Mais, 1’essentiel de 1'argumentation du juge dissident s’atta-che aux exigences formulśes par le droit communau-taire k 1'śgard du juge interne en ce qui concerne la protection juridictionnelle due aux particuliers titulaires de droits dśrivant de normes communautaires. Citant abondamment la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautśs Europśennes, notamment en ma-tiere d’effet dlrect et de rśpetition de 1’indO, le juge Oliver souligne le devoir des juridictions nationales d’assurer au justlciable une protection effective. Se faisant 1'ścho de la position du juge de premierę ins-tance, s’agissant des insuffisances du recours pour excśs de pouvoir et de 1’absence de mesures provisoi-res k 1’śgard de la Couronne dans ce cadre, le juge Oliver est conduit k la conclusion que la seule protection effective consiste en la reconnaissance d’un droit k rśparation, qu’il ne distingue pas du droit k rśpśtition de 1’indG, tous les deux derivant de 1'effet direct de la normę violśe.
En revanche, la majoritś de la Cour d’Appel s’inspire de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautśs Europśennes en matiśre de responsabilitś extracontractuelle pour en tirer la consśquence — en soi incontestable — qu'une simple violation du traitś ne suffit pas par elle-meme k fonder la responsabilitś de la Communautś. On sait, en effet, que conformśment a la « Schutznormtheorie » adoptśe par la Cour de Justice, la responsabilitś de la Communaute n’est engagśe qu’en cas de violation suffisamment caractś-risśe d’une normę supśrieure de droit protśgeant les particuliers (35) ; dans certains cas, la Cour exige en outre une mśconnaissance grave et manifeste des limites qui s’imposent a l'exercice du pouvoir discrś-. tionnaire reconnu aux institutions, aliant meme jusqu’ś . evoquer un comportement qui « confinerait, en tant que tel, k 1’arbitraire » (36). Or, est-il concevable que le droit communautaire impose au juge national 1’obligation de reconnaitre la responsabilitś de l’£tat, pour une simple violation du traitś, alors meme que la responsabilitś de la Communaute ne serait pas engagśe dans un tel . cas ? Au demeurant, serait-il admissible que PĆtat soit
(34) Selon le juge Oliver, « the individual 'right’ is a right to cari7 on the business of importing goods free from quantitative restrictions. whether imposed by legally inoffective measures or (mposed without any . colour or legał title at all, just as the łndividuars 'right* under art. 86 is 1 a right to carry on his business free from illegal abusive measures by
!those, whether themsełves individuals or organs of member States, who are in a dominant position. In the uitimate analysis, the individual's complaint is of the same naturę in each case. namely that this business has been interfered with, and damaged by that, which the EEC treaty prohibits... • (loc. cit. sp. 616).
(35) CJCE 2 dścembre 1971 Zuckerlabrik Schóppenstedt, 5/71 Rec. 1971. 955 ; 25 mai 1978 Bayerische HNL, 83/76. Rec 1978, 1209 et JDI 1979,942 notę R. Kovar; 4 octobre 1979 Ireks Arkady GmbH (quellmehll) 238/78 Rec. 1979, 2955. Voir sur ce point Cahier Ph.. Los ólements constitutifs de la responsabilitś extracontractuelle de la CEE, Mólanges Reuter, Paris, Pśdone 1981, 127 ; E.W. Fuss, La responsabilitś des Communautśs Europśennes pour le comportement illśgal de leurs organes, RTDE 1981, 1.
(36) CJCE 5 dócembre 1979, Amylum (łsoglucoso), 116 et 124/77, ; Rec. 1979. 3497.
responsable du fait de rapplication d’un acte communautaire considśrś postśrieurement comme invalide, alors que la Communaute, k laquelle est imputable l'illśgalitś, śchapperait k 1’obligation de rśparer ? Conclusion d’autant plus surprenante aux yeux du juge Parker, que 1’absence de responsabilitś de la Commu-nautś dans une telle hypothśse rśsulte paradoxalement d’un systśme de responsabilitś extracontractuelle fondś, en vertu de 1’article 215 CEE, sur les principes gśnśraux communs aux droits nationaux...
Au terme de cette analyse, la majoritś de la Cour d’Appel estime qu’une simple violation du droit communautaire par 1’administration nationale ne pourrait etre sanctionnśe que dans le cadre du recours pour excśs de pouvoir; seule une illśgalitś aggravśe par un dśtournement de pouvoir (misfeasance in public Office) serait susceptible de faire 1’objet d’un recours de pleine juridiction. Un tel dśtournement de pouvoir, de l’avis unanime de la Cour d’Appel, approuvant sur ce point le juge de premiśre instance, pourrait rśsulter soit de 1’intention malicieuse de nuire aux intśrets du requśrant soit de la conscience d’agir illśgalement au moment ou les mesures ont śtś prises.
A la suitę de cette dścision d’appel, une transaction a śtś conclue entre 1’administration et la Sociśtś Bourgoin, qui a bśnśficiś de rallocation d’une indem-nitś substantielle.
Certes, cette affaire ne permet pas de tirer des conclusions parfaitement univoques quant k l’exis-tence d’un droit k rśparation devant les juridictions nationales, compte tenu des difficultśs liśes aux contexte particulier du droit anglais et aux problśmes que pose son adaptation aux exigences du droit communautaire.
En revanche, de telles difficultśs ne semblent pas avoir śtś śprouvśes par d’autres juridictions, qui ont reconnu sans hśsitation un droit k 1’indemnisation aux victimes de simples violations de rśgles communautaires d’effet direct. A cet śgard, deux dścisions mśritent de retenir 1’attention. II s’agit, en premier lieu, du juge-ment du Tribunal administratif de Pau du 12 novembre 1985 dans Caffaire Steinhauser contrę Ville de Biarritz (37). £cartś d’une procśdure d’ajudication de « crampottes » artisanales dans un domaine apparte-nant a la ville de Biarritz sur la base d’un cahier des charges exigeant la nationalitś franęaise, M. Steinhauser, artiste peintre de nationalitś allemande, a introduit un recours en annulation contrę la dścision du maire et demandś une indemnitś pour violation de 1’article 52 CEE. La Cour de Justice, saisie par le juge national d’une question prśjudicielle, a dśclarś que 1’article 52 s’opposait k l’exigence de la nationalitś franęaise en vue de participer a la procśdure d’adjudication (38). Tirant les consśquences de cet arret, la juridiction de renvoi a annulś les adjudications litigieuses comme śtant incompatibles avec le droit communautaire, et a considśrś que cette illśgalitś śtait constitutive d’une faute de naturę k engager la responsabilitś de la ville de Biarritz : le tribunal administratif a indemnisś k la fois la perte de revenus supplśmentaires qu’aurait procurś
(37) Non publió.
(38) CJCE 18 juin 1985 Steinhauser 197/84 non encore publió.
REVUE DU
MARCHĆ COMMUN, n> 305, Mars 1987
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