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12 LE MAROC CATHOLIQUE

ceruse, bref tout un assortiment capable cle camouf-fler la vantardise cle ma promesse et cle peindre les boites vides...

Un petit indigene porta le paquet au presbytere et je crois hien que AA. le Cure s‘est doute de la pro-vcnance...

Chaque jour, desormais, je fus reguliere a visi-ter les travaux. Lentemenl je vis peindre en rouge les encadrements des futurs tahlcaux. Mais comment ni exprimer pour te faire comprendre ?

Ecoutc, ou mieux regarde. Je tracę sous tes yeux une bandę rouge a la naissance du cintre de la voute, une autre au tour du lucernaire carre du sommet. Ces deux bandes, je les relie par cleux autres partant a vingt centimetres environ dc larrete formee par rintersection des plans incurves de la voute. J obtiens ainsi 1'aspect dune pyramide tronquee, que j’ouvre dans le bas d une large fenćtre a cintre sureleve par le tracę dune nouvelle bandę rouge.

Petit-a-petit les fenetres se sont garnies. Un premier personnage s*y est d'abord timidement mon-tre avec son front laurć comme un triomphateur ro-main et son manteau bleu jete sur sa chlamyde ecar-late — puis un autre, en face, jeune patre aux che-veux piqućs de soleils jaunes. Ćelui-ci incline la tete avec un my$terieux sourire qui 1’apparente avec rangę de Reims, et dans sa joie de vivre il n’a pour vete-ment qu’une togę blanche relevee sur la d roi te, lais-sant 1’epaule et le bras gauches nus. Cest un berger tres beau, peut-etre un peu trop fin, ironique aussi peut-etre... mais il voit de la haut tani de choses !

A cóte dc Iui, sur 1’autre face de la voute est un homme bruni par le soleil ; son front luisant de sueur est nimbć depis. Ce personnage decouple sa forte carrure en une tunique verte... le croiras-tu... a man-ches courtes ! II en a de la chance ce romain...

Pour vis a vis il a un vieillard a barbe blanche, a 1’oeil terne et pacifique comme les oliviers qui or-nent son front degarni.

Ainsi les quatre saisons se regardent et nous re-gardent passer tandis qu‘autour de leurs cadres des oiseaux multicolores voltigent en tous sens. Cest le jour, et la-bas, dans les panneaux etroits des angles, les etoiles, les cometes, la lunę avec ses quatre pha-ses s’etagent lumineuses... c’est la nuit.

Tout cela senleve sur un splendide fond bleu. L'ensemble est un jeu merveilleux de ces deux cou-leurs qui se melent au lever du jour et se rctrouvent a son declin : le bleu et le rouge.

Ali certes, ce n’est pas une oeuvre futuriste que cette peinture, 1’ignard y croit trouver des imperfec-tions inultiples, mais l’antiquaire y remarque la pa-tine du temps, les taches cThumidite, Talteration des coloris en meme temps que le procćde de peinture sans relief. En un mot c’est une vraie voflte de cata-combe ou il fait bon songer a cette paix ćternelle qu’elle exprime deja eloquemment, a cette paix qui sera tout ie jour avec le chant des oiseaux et la nuit avec la darte des astres, et les mois avec les lunes periodiques et les ans avec ses saisons aux symboles mysterieux et doux.

Comme je songeais a tout cela, je n*entendis pas venir M. Ie Cure qui brusquement :

« Quel personnage preferez-vous, Mademoisel-le ? me demanda-t-il.

A tout hasard je repondis : « le plus jeune ! ».

— C’est normal ! Mais, voyez-vous, le plus jeune dest Ie Printemps ; il s’en va la courroie de sa besace sur 1’ćpaule ; il s’en va vers la vie en souriant aux hirondelles ; il est plein de jeunesse, d’entrain, de sante. A cause de cette force il est devenu, a Tete, encore plus robuste ; il a fait fortunę, mais ne vous semble-t-il pas que 1’abondance de ses recoltes aux lourds epis fait s’embrumer son front ? Voyez, il devient ambitieux, il veut d’autres moissons, encore, encore... II fait violence aux autres — il devient con-cjuerant et les aigles pianent au-dessus de sa tete — c’est rautomne. Malgre la puissance et la gloire, cette physionomie au profil emacie, au regard dur, ce cou dćcharne, annoncent la vieillesse et le declin. Les lauriers eux-memes pesent et fatiguent. Maintenant c*est l’hiver. Le vieillard tout blanc et pale se dit : « a quoi bon ? » II n’a plus qu,un desir : vivre en paix, et c’est la raison pour laquelle vous voyez l’oli-vier lui tresser sa couronnc.

Ces quatre personnages resument toute notre vie, toute la vie humaine, notre tres pauvre vie !...»

Je serais demeuree longtemps encore a ecouter ces lumineuses explications. Plus que jamais je coni-pris la necessitć de refairc de nos eglises des livres toujours ouverts aux ames des petits et des simples qui ne demandent qu’a s’instruire, — aux ames aussi des savants qui, pour aller a Dieu, ont besoin de re-naitre pour devenir semblables a des enfants. Plus que jamais je compris la necessitć d^mployer la beaute multiforme au service de Dieu, car elle est pour nous le meilleur aide pour nous apprendre a prier.

Ta cousinc RUPELLA.

**

P.S. — J'ai pu enfin photographier notre eglise,. je t’enverrai des ćpreuves dans ma prochaine lettre..

RUPELLA.



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