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Les sources utilisdes pourl'histoire des guerres civiles contemporaines
au Zaire
retracer une biographie — ou plus globale ou collective — lorsqu’i! s’agit de decrire un phenomćne sociologiąue.
Interet des sources vivantes pour 1’histoire contemporaine de l'Afrique
Les sources vivantes n’ont pas seulement une fonction supplćtive ou subal-terne, qui est de combler les lacunes de Pinformation documentaire; elles possćdent aussi, selon nous, des qualitós propres qui en font un instrument fondamental de Phistoire contemporaine, particulićrement en ce qui concerne PAfrique, et cela, pour trois raisons principales :
Pour la pćriode coloniale, elles corrigent et completent les sources documen-taires, le plus souvent redigćes par des personnes ćtrangeres ou hostiles aux societes africaines. II est inutile de revenir sur le caractćre radicale-ment ideologique et alienant du discours colonial, que ce soit celui des fonctionnaires, des missionnaires ou des savants. Apparemment opposć k celui-ci, le discours nationaliste de la fin de la pćriode coloniale, a part de rares exceptions9, lui ressemble par symetrie. II s’agit, dans les deux cas, de discours ideologiques dćterminćs par une strategie de dćfense ou de conquete du pouvoir au profit d’une classe.
Les tćmoignages sur la pćriode coloniale ćmanant de la masse rurale ou urbaine, ou meme des classes qui n’ont pas eu accćs au discours nationaliste (instituteurs, fonctionnaires subalternes, sous-officiers de Parmće, etc.), rćvelent des formes de resistance anticoloniale en meme temps que des survivances des structures traditionnelles et des dyna-miques de changement dont Pimportance historique est toujours sous-estimee.
LMndependance n’a pas fondamentalement changć les rapports entre le discours officiel, dont la radio, la presse, les actes et les documents publics rendent compte, et la voix des masses, plus silencieuses que jamais. Derrićre le mythe de Punite nationale, les classes dirigeantes africaines ont mono-polisć toutes les sources d’information et de documentation. Une histoire qui se contenterait des sources documentaires ne serait qu’une histoire du pouvoir politique, dont on peut se demander si nous ne surevaluons pas constamment Pimportance historique, surtout dans des societćs qui connaissent des changements sociaux et culturels trćs profonds et dont Pavenir est lourd de nouveaux bouleversements politiques. Les sources orałeś, lorsqu’elles sont utilisees k bon escient, peuvent donner la parole aux vćritables acteurs sociaux : paysans et cadres ruraux, instituteurs, elćves et jeunes descolarises, travailleurs et chómeurs urbains, opposants
3. Nous songeons & certains discours de Patrice Lumumba, notamment celui du 30 juin 1960.