32 Ali al'Amin Mazrui
deux groupes ethniąues installćs au centre du pays. De la meme faęon, les meilleures sources disponibles concemant les grandes figures de 1’histoire contemporaine ougandaise ne se rćfćraient qu’i un nombre restreint de communautós. Une biographie nationale accordant, par exemple, la prćpon-dćrance numćriąue aux Baganda et aux Banyoro n’aurait pu, dćs lors, que provoquer les soupęons et l’envie des autres groupes. Un ćquilibrage ethnique s’imposait donc. Qu’un tel ćquilibrage ffftt ou non historiquement dćfendable, pour ne rien dire de son opportunitó politique, c’est li une question qui touche assurement aux tensions de Fhistoire contemporaine.
On peut soutenir qu’une grandę partie de Fhistoire du peuple africain a etć, jusqu’a une ćpoque recente, une sorte d’ « ethnohistoire ». L’unitó qui conferait une identitć historique, c’ćtait le groupe ethnique, plutót que FĆtat territorial tel qu’il existe aujourd’hui. La plupart des figures hćroiques etaient des hćros ethniques et non nationaux. Pourtant, un historien tra-vaillant au volume VIII de YHistoire generale de VAfrique pourrait etre tente de « nationaliser » tous ces hćros. Dedan Kimathi, le combattant mau-mau, ćtait-il un hćros kikuyu ou un hćros kenyan? La rćponse dćpend parfois de Forigine ethnique de 1’historien kćnyan qui s’intćresse a Kimathi. En pareil cas, il y a interaction entre la susceptibilitć politique et la subjectivitć collective.
En Ouganda, on se trouve en prćsence de problćmes similaires. Sir Apollo Kagwa ćtait-il un hćros buganda ou un collaborateur ougandais? Faut-il, en tout ćtat de cause, « nationaliser » les hćros buganda? Dans le climat politique de FOuganda, cette dćmarche ne perpetuerait-elle pas 1’ancienne propension des Britanniques i assimiler les intćrets du Buganda i ceux de FOuganda ?
A 1’autre bout de l’ćventail ethnique, combien d’historiens baganda sont-ils capables d’6tre objectifs lorsqu’ils ćvaluent Fimportance sur le plan national du premier prćsident Apollo Milton Obote, 1’homme qui traita, prati-quement, les Baganda en peuple vaincu pendant cinq ans et qui fut responsable de l’exil du kabaka dont il abolit meme le titre princier?
Pour ce qui est de juger Idi Amin Dada, les blessures, chez de nombreux chercheurs ougandais, sont encore trop recentes. L’objectivitć ne peut manquer ici d’etre affectće par le role que joua Idi Amin Dada dans le sort de telle ou telle familie ougandaise, par le facteur ethnique intervenant dans la coalition politique qui le soutint lorsqu’il ćtait au pouvoir et par le clivage religieux entre musulmans et chrćtiens en Ouganda.
Outre le problćme politique epineux rencontrć par Fhistorien qui prend pour sujet un prćsident en exercice ou les clivages sectaires, se pose encore le problćme de la distinction entre ceux qui ont collaborć avec le rćgime colonial et ceux qui, au contraire, ont oeuvrć pour 1’indćpendance. Dans un pays comme le Kenya, le problćme est aggravć par le souvenir de la guerre des Mau-Mau et le point de savoir qui fit preuve de loyalisme envers les Britanniques et qui,