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volume VIII qui ne retiendrait qu’une de ces positions serait un dćfi i l’objectivite scientifique d’au moins plusieurs membres du comite.
Les contraintes intemationales que nous avons jusqu’ici examinćes affectent, en premier lieu, le choix des collaborateurs scientifiques (les Sud-Africains rćsidant en Afrique du Sud etant, par exemple, exclus); en deuxieme lieu, les pays ou les enquetes sur le terrain sont possibles (ce qui, pour certains types de recherche, exclut, disons, la Rhodesie et Israel); en troisićme lieu, 1’inter-pretation des donnees et des themes abordes (ce qui elimine, par exemple, toute interpretation favorable k la thćse du « developpement separe » en Afrique du Sud).
Mais il est une quatridme contrainte internationale qui tient au fait que ce projet d’histoire generale de l’Afrique est patronnć par une institution des Nations Unieś, 1’Unesco. Toutes les organisations intemationales sont soumises a des pressions et tabous diplomatiques divers. Le Comite scientifique intemational pour la redaction d’une histoire generale de l’Afrique a beau jouir d’une autonomie scientifique considerable, il y a cependant certaines limites subtiles k ne pas franchir dans le contexte generał de 1’Unesco. Tel ou tel Źtat membre risque de protester si certaines rógles minimales des usages diplomatiques ne sont pas respectees par le Comite scientifique intemational. Le parrainage de cette realisation par une organisation internationale s’inscrit donc largement dans le systćme plus large des freins et contrepoids diploma-tiques qui s’applique aux projets de ce type.
Le cinquióme domaine oii s’exercent les contraintes intemationales (en plus du choix des spćcialistes, des restrictions concernant la recherche sur le terrain, de la naturę du sujet traitó et des blocages de 1’organisme de parrainage) est celui du vocabulaire. La formulation de certaines assertions en matićre d’histoire constitue par elle-meme un problćme riche en implications diplomatiques. Le terme de « tribu » est d’un usage courant dans les pays afri-cains. Du Nigćria au Kenya et du Zalre au Sćnćgal, la presse ne se prive pas de 1’utiliser et il est clair que le vocabulaire de l’Africain moyen a rćsolument et de faęon continue assimilć les concepts de « tribu », de « tribalisme » et les notions qui s’y rattachent. Autrement dit, le vocabuIaire k usage interne des socićtes africaines ne condamne nullement, en fait, 1’emploi du concept de « tribu » dans le cadre du langage courant.
Et cependant, au niveau intemational impliquant la participation d’Africains, le mot « tribu » devient d’un emploi politiquement delicat. L’ Histoire generale de l'Afrique en a proscrit 1’usage pour Fensemble de ses huit volumes.
On peut soutenir que l’ćvacuation du terme est en soi une manifestation d’eurocentrisme. Afin de prouver qu’ils ćgalent 1’Europe, certains Africains prćtendent que toutes les rćalisations dont 1’Europe peut se rćclamer ont egalement ete accomplies par les Africains : c’est le syndrome du « moi aussi ».