26 Ali al'Amin Mazria
pour la redaction d’une Histoire generale de VAfrique. Nombre de ceux qui redigeront les chapitres de cette histoire sont aussi europćanises k certains ćgards, soit par 1’instruction et la formation qu’ils ont directement reęues dans des institutions occidentales, soit par les techniques de l’historiographie qui leur ont ćtć transmises par les spćcialistes europćens. Les historiens africains sont prisonniers d’une dialectique ćpistćmologique. La « vision de 1’intćrieur » exige qu’ils soient africains et engagćs dans une participation existentielle; mais les techniques de l’historiographie contemporaine sont ćtroitement tributaires de la tradition intellectuelle et universitaire du monde Occidental. Les premićres langues dans lesquelles sera publiće VHistoire generale de l'Afrique de 1’Unesco sont 1’anglais et le franęais, bien que des traductions ultćrieures en arabe et dans certaines autres langues africaines soient ćgalement envisagćes. Hugh Trevor-Roper a tort de considerer virtuellement toute 1’histoire du monde au cours des cinq cents dernićres annees comme axće sur 1’Europe. S’il s’ćtait bomć k dire que la culture scientifique et universitaire du monde, au cours des trois cents dernićres annees, avait jailli de la civilisation occidentale, sans doute aurait-il ćtć plus prós de la vćritć. Les historiens africains sont le produit de cette tradition intellectuelle eurocentriste.
Mais la dialectique, pour un historien africain, inclut ćgalement une redecouverte de sa propre socićtć et de son propre passe, prćcisćment k partir du choc culturel provoquć par 1’assimilation partielle d’une civilisation ćtran-gćre. Christopher Dawson a peut-etre eu tort d’affirmer le bonheur des peuples sans histoire. Mais il devient convaincant lorsqu’il dćclare que seule une crise d’identite nous offre une chance de nous reconnaitre nous-memes. En partie k cause de 1’influence de 1’Europe, l’Afrique traverse actuellement une crise de cette naturę. Elle pourrait bien etre sur le point de dćcouvrir son propre moi. Et qu’est-ce que le moi sinon, avant tout, le produit du passć?