48 Ali alJAmin Mazrui
changements dans TAfriąue actuelle. Les evenements sont si proches qu’il n’est pas toujours possible de distinguer un simple ćpisode d’un mouve-ment de fond. II est egalement difficile de cerner la singularite et la portee veri-tables d’tin phenomene.
Les problemes de 1’accćs aux sources et aux tómoignages sont aussi au cceur des etudes historiąues. L’histoire actuelle est revćlatrice des tensions qui 1’habitent. La vulnerabilite des documents ćcrits en butte aux coups d’Etat successifs, l’inconvenient de travailler dans une socićte qui n’a pas encore institutionnalise la conservation de ses archives, que ce soit au niveau familial ou au niveau national, constituent deux des problemes majeurs qui compliquent 1’accós k la documentation et aux sources. Quant aux temoignages oraux, 1’histoire recente est parfois avantagee sur ce plan-la, car nombre de ses prota-gonistes sont encore vivants et peuvent, a 1’occasion, accepter de s’entretenir avec le chercheur.
Nous avons enfin abordć les problemes complexes de mćthodologie dans leurs rapports avec le chercheur et avec les donnees. Le choix d’une mćthode est-il une sorte d’aveu personnel ? Dans quelle mesure sommes-nous condamnes a n’etudier que les ćlites dont les membres appartiennent tres souvent k notre propre classe sociale de privilćgies? Jusqu’a quel point 1’analyse en termes de classes est-elle un outil approprie pour la comprehension de l’Afrique contem-poraine ? Comment ćvaluer avec prćcision la formation des classes en Afrique ? Celles-ci sont-elles dej i pretes k subir l’examen rigoureux du chercheur et le permettent-elles ?
UHistoire generale de l'Afrique de 1’Unesco est un projet qui ne peut que reflćter certaines des contradictions majeures dont souffre une Afrique en train de passer douloureusement de la domination extórieure k une discipline intó-riorisće, de rapports intimes avec une culture fondće sur la parentó aux horizons nouveaux d’une participation planetaire, de cultures valorisant la tradition a des cultures qui doivent se doter de pouvoirs d’anticipation, de societes ou la parole avait coutume d’arbitrer entre des interpretations opposćes de la realite k des societes nouvelles ou 1’ecrit proclame le droit de consigner et de trans-mettre, de civilisations habituees a evaluer en termes qualitatifs k des civilisa-tions fondees sur le calcul quantitatif.
Cest en ce sens que le projet d’une histoire de l’Afrique lance par 1’Unesco devient le microcosme des realitós africaines contemporaines. Les problemes que posera la redaction du dernier volume — consacrć aux phases les plus recentes de l’evolution de l’Afrique — refleteront en partie les epreuves que l’Afrique est en train de traverser. C’est en ce sens que Yetude de 1’histoire actuelle devient partie integrante de ses realites, dont elle constitue une ramification.